
Everline Aketch
Projet DGB Les travailleurs du secteur des déchets exigent de meilleurs salaires et des conditions de travail sûres
Historique et contexte
Depuis le lancement du projet financé par la DGB en 2020, le secteur des déchets est resté le segment le plus précaire parmi les affiliés de l'ISP en Ouganda. Ce constat a été confirmé lors de l'atelier de deux jours qui s'est tenu à Kampala les 25 et 26 juin 2025 et qui a rassemblé plus de 35 travailleurs du secteur des déchets, notamment des balayeurs, des éboueurs, des travailleurs des fosses d'aisance et du drainage, ainsi que des représentants des secteurs de l'eau et de l'électricité et de l'Organisation nationale des syndicats (NOTU).
Respectez-nous, nous sommes des travailleurs comme les autres. Beaucoup d'entre nous ont des diplômes, mais nous nettoyons parce qu'il n'y a pas d'emplois formels.
Aperçu des témoignages des travailleurs
Les participants ont franchement fait part des conditions de travail risquées et dangereuses dans lesquelles ils travaillent, révélant de graves violations des normes de travail décent et soulignant la nécessité de réformes politiques et institutionnelles urgentes.
Salaires et retards de paiement
La plupart des travailleurs du secteur des déchets gagnent à peine 6 000 UGX par jour (moins de 2 USD), avec des retards de paiement pouvant aller jusqu'à trois mois. Les travailleurs ont évoqué l'absence d'un mécanisme de paiement transparent, aggravé par la corruption des SACCO et de la KCCA, qui gèrent leurs salaires.Absence de contrats et de sécurité de l'emploi
De nombreux travailleurs ont travaillé comme ouvriers occasionnels pendant plus de 10 à 20 ans, sans lettre de nomination officielle ni contrat. Les contrats de courte durée (un an ou moins) favorisent l'insécurité de l'emploi et les privent de toute protection juridique. Les licenciements verbaux sont monnaie courante, laissant les travailleurs sans recours.Risques liés à la sécurité et à la santé au travail (SST)
Les travailleurs manquent d'équipements de protection individuelle (EPI) ; la dernière fourniture remonte à deux ans. Les femmes ont indiqué qu'elles ramassaient les déchets à mains nues, portant les charges sur leurs épaules en raison de l'absence de brouettes. De nombreux accidents du travail ont été signalés, notamment des brûlures chimiques, des tétanies dues à des objets tranchants, et même des décès. Aucune assurance médicale n'est fournie et les factures médicales sont payées de leur poche. Un travailleur s'est souvenu avoir développé un caillot de sang après un accident de la route alors qu'il balayait ; un autre a perdu des dents. Les morsures de serpent, l'exposition aux chiens errants et l'absence de toilettes aggravent encore les risques, en particulier pour les femmes.Conditions et horaires de travail
Les travailleurs sont soumis à des semaines de travail de sept jours, sans jours de repos ni indemnités journalières. Lors du sommet du Mouvement des pays non alignés de 2023, les travailleurs ont travaillé de 8 heures à 1 heure du matin sans prendre de repas. D'autres travaillent dans des canaux de drainage souterrains, allant même jusqu'à récupérer des cadavres, sans aucune compensation des risques. Les travailleurs de nuit travaillent sans sécurité ni éclairage. Un travailleur des fosses d'aisance a raconté avoir été contraint de se cacher après avoir endommagé une voiture lors de travaux de tranchée - la CCCA a nié toute responsabilité et a exigé 5 000 000 UGX du travailleur.Violence et harcèlement fondés sur le sexe
Les travailleuses sont régulièrement victimes de harcèlement sexuel de la part de leurs collègues masculins et du public. Nombre d'entre elles sont veuves ou mères célibataires. Une femme a plaidé avec émotion : "S'il vous plaît, respectez-nous, nous sommes des travailleuses comme les autres. Beaucoup d'entre nous ont des diplômes, mais nous faisons le ménage parce qu'il n'y a pas d'emplois formels".Lacunes en matière de protection sociale
Les déductions du NSSF sont effectuées mais ne sont jamais remises. Aucun bilan de santé ni aucune assurance ne sont proposés. En cas de blessure ou de décès, aucune indemnisation n'est prévue. Les collègues de travail se cotisent souvent pour aider leurs collègues blessés. Les frais d'enterrement et les frais médicaux sont laissés à la charge des travailleurs ou de leurs familles.Représentation syndicale et ambiguïté de l'employeur
L'ambiguïté de l'employeur réel est un thème récurrent. La KCCA sous-traite avec les SACCO, tout en continuant à administrer les mesures d'emploi telles que les licenciements. Cela lui permet de nier ses responsabilités d'employeur, violant ainsi les principes du travail décent. Bien qu'ils soient imposés (PAYE et TVA), les travailleurs s'interrogent sur le bien-fondé de cette mesure, compte tenu de la faiblesse de leurs revenus.Stress mental et social
De nombreux travailleurs sont sans abri et dorment dans des décharges. Les superviseurs seraient abusifs et aucun mécanisme de plainte n'est en place. Certains travailleurs sont étiquetés comme faisant partie de l'opposition politique pour avoir dénoncé les mauvaises conditions de travail.
Développements positifs et avancées
En dépit de la morosité de la situation, les travailleurs ont reconnu certaines améliorations, notamment la réduction des arriérés de salaire (de 6 mois à 2 ou 3 mois) sous la direction du nouveau directeur exécutif de la KCCA. Un contrat d'un an obtenu l'année précédente a également été considéré comme un progrès.
Engagement médiatique et résultats en matière de plaidoyer
Lors des conférences de presse, les travailleurs ont partagé leurs expériences vécues, appelant le gouvernement, les syndicats et l'ISP à garantir l'application des conventions de l'OIT, des lois ougandaises sur l'emploi et la santé et la sécurité au travail, ainsi que la dignité élémentaire au travail.
Engagements et perspectives d'avenir
Les dirigeants syndicaux et NOTU se sont engagés à :
S'attaquer au problème du non-versement du NSSF.
Plaider en faveur de contrats standard et d'une amélioration des salaires.
Exiger la fourniture d'EPI et d'une assurance médicale.
Tenir la KCCA pour responsable en tant qu'employeur principal.
Faire campagne en faveur d'un cadre de reconnaissance formel pour les travailleurs du secteur des déchets.
L'ISP a été félicitée pour son soutien continu à la mise en lumière du travail invisible des travailleurs des déchets et au renforcement de la valeur de la syndicalisation dans la lutte contre la négligence systémique.
Conclusion
Cette réunion a non seulement permis d'amplifier la voix des travailleurs du secteur public les plus marginalisés, mais elle a également jeté les bases d'une campagne soutenue visant à restaurer la dignité et les droits dans le secteur de la gestion des déchets. Il est impératif que les engagements pris soient mis en œuvre de manière urgente et responsable, car une justice retardée est une justice refusée.