En 2016, sous la pression des syndicats et des militant.e.s, la Commission européenne a affirmé qu'un régime fiscal préférentiel accordé à Apple par le gouvernement irlandais constituait une aide d'État illégale au regard du droit de l'UE. La Commission a estimé que le montant total de l'aide illégale à récupérer s'élevait à 13 milliards d'euros. À l'issue d'une bataille juridique longue et complexe lancée par Apple, la Cour de justice de l'UE vient de confirmer la décision de la Commission.
Pendant des décennies, l'Irlande a accordé à Apple et à d'autres grandes entreprises un traitement fiscal spécial et favorable, permettant à Apple d'enregistrer officiellement en Irlande d'importants bénéfices alors que l'activité économique réelle se déroulait pour l'essentiel dans d'autres pays. Ce système reposait sur l'utilisation artificielle de droits de propriété intellectuelle, grâce auxquels les entités d'Apple dans le monde entier versaient d'importantes redevances à l'Irlande. En Irlande, le taux applicable était extrêmement bas, ce qui permettait au groupe Apple de réduire sa facture fiscale dans le monde entier, privant ainsi les pays à fiscalité plus élevée de recettes publiques dont ils avaient grand besoin.
Cette victoire de la Commission européenne contre Apple doit être saluée sur le principe, car les grandes entreprises et l'Irlande devront revoir de fond en comble certains de leurs régimes fiscaux les plus agressifs. Toutefois, le montant des recettes fiscales que ce système a permis à Apple d'éluder ne sera pas restitué là où il devrait l'être (c'est-à-dire là où se trouvent les travailleurs qui ont produit la richesse ou là où les ventes ont réellement eu lieu). Cette longue et coûteuse bataille juridique montre surtout à quel point les règles actuelles sont inadaptées pour empêcher l'évasion fiscale. Pour une affaire très médiatisée gagnée, combien n'ont jamais été portées devant les tribunaux ?
L'ISP et la FSESP ont été en première ligne pour dénoncer la fraude fiscale des entreprises au niveau européen. En 2015, nous avons lancé un rapport sur les affaires fiscales de McDonald's en collaboration avec des affiliés aux États-Unis et dans toute l'UE et, plus récemment, nous avons contribué à révéler comment des lobbyistes fiscaux avaient rédigé des positions gouvernementales sur la réforme fiscale. La campagne fiscale menée par les affiliés de l'ISP a été déterminante pour pousser l'UE à mettre en œuvre une forme limitée de déclaration pays par pays.
Mais la Commission européenne doit s'attaquer à la maladie sous-jacente au lieu de se contenter de traiter les symptômes. C'est pourquoi les affiliés de l'ISP mènent le combat pour une réforme en profondeur des règles mondiales en matière de fiscalité. Il est urgent de réviser les règles actuelles en matière de prix de transfert et d'adopter une approche de taxation unitaire , seul moyen de taxer efficacement des acteurs mondiaux tels qu'Apple. Pour ce faire, il faut renforcer la pression politique sur les 27 États membres de l'UE et sur la Commission, qui subissent une forte pression de la part des entreprises pour s'opposer à la réforme à l'ONU et dans d'autres forums.