Une délégation de l'ISP et de la CSI place les questions sociales en haut des négociations du traité sur le plastique

Les Etats pétroliers et les intérêts des entreprises ont prévalu une fois de plus, bloquant le processus lors du dernier cycle de négociations qui aurait dû aboutir à un traité international ambitieux de l'ONU pour s'attaquer au fléau mondial de la pollution plastique d'ici 2040 et pour protéger la santé humaine et l'environnement.

Une délégation conjointe de l’ISP et de la Confederation sindicale internationale (CSI) a représenté le monde du travail lors des négociations, défendant sans relâche les droits, la santé et la sécurité au travail (SST), des emplois décents dans les services de gestion des déchets, une transition juste pour tous les travailleurs.euses concernés ainsi que des investissements publics adéquats dans les infrastructures de gestion des déchets et de l'eau.

D’où est-ce que les négociations de Genève ont-elles repris le flambeau de la CNI-5.1 à Busan 2024 ?

La deuxième partie de la cinquième session du Comité de négociation intergouvernemental chargé d'élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, y compris dans le milieu marin (CNI--5.2), s'est déroulée du 5 au 15 août 2025 au Palais des Nations à Genève, en Suisse, sous l'égide du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et le mandat de la résolution 3/7 (2017) de l'AUE sur les déchets marins et les microplastiques. Plus de 2 600 délégués, représentant 183 États membres et 400 organisations observatrices, y compris des groupes environnementaux, des syndicats, des peuples autochtones, ainsi que des lobbyistes de l'industrie des combustibles fossiles et des produits chimiques, y ont participé.

Une réunion ministérielle parallèle tenue les 12 et 13 août 2025 a rassemblé à Genève plus de 70 ministres et vice-ministres, ainsi que 30 autres représentants de haut niveau, afin de donner un élan politique aux négociations et de faciliter la conclusion d'un accord. 

Ce processus a repris la première partie de la cinquième session (CNI-5.1) qui s'est tenue à Busan (Corée du Sud) du 25 novembre au 1er décembre 2024 et au cours de laquelle les États n'étaient pas parvenus à un consensus. L'objectif principal de la CNI-5.2 était de conclure les négociations de la CNI-5.1 qui avaient été techniquement suspendues et n'étaient pas parvenues à un consensus sur un texte. Le résultat a été le texte du président (1er décembre 2024), une base reflétant un squelette des questions les plus consensuelles qui ont émergé des discussions de Busan et sur lesquelles construire le texte final de l'accord international.  

Le texte du président reflétait les résultats du plaidoyer mené par l'ISP et la CSI depuis 2022 pour garantir une reconnaissance et une référence complète à tous les travailleurs.euses de la chaîne d'approvisionnement en plastique dans le préambule ; une mention claire et un article dédié à la transition juste (artt. 8 et 10) ; un investissement public dans l'infrastructure et le personnel de gestion des déchets - y compris au niveau des gouvernements infranationaux (artt. 8a ; 12.1) ; ainsi que des systèmes d'eau et d'assainissement sûrs (art. 11). Bien que très incomplet, ce texte constituait un point de départ que toutes les parties considéraient comme une étape prometteuse vers un accord ambitieux,efficace et très attendu. 

Que s'est-il passé lors des négociations INC-5.2 à Genève ?

Les négociations se sont déroulées au sein de quatre groupes de contact responsables de différentes sections et articles du projet de traité, en alternance avec des sessions plénières destinées à faire le point sur les progrès accomplis et à consolider le texte approuvé. Le travail des groupes de contact a été régulièrement entravé et ralenti par certains délégués qui posaient des questions de procédure et par des discussions alambiquées sur des sujets d'importance limitée. Les sessions des groupes de contact, les discussions informelles et les réunions des groupes régionaux se sont tenues du lever du soleil jusqu'à tard dans la nuit, y compris pendant une partie du week-end. Il en est résulté une situation difficile pour les petites délégations qui n'ont pas pu couvrir toutes les sessions pertinentes et qui a  causé du stress et de l'épuisement chez les participants quiont travaillé sans relâche. 

Le processus de négociation était tel que les observateurs de la société civile, les scientifiques, les syndicats et les experts - y compris d'autres agences compétentes des Nations unies - n'ont pas eu la possibilité d'être entendus directement au cours des discussions des groupes de contact, ce qui a entraîné de graves lacunes sur les questions techniques, y compris les questions de santé, d'environnement, de SST, sociales et de travail, et sur les meilleures options pour la réglementation de la production et de l'utilisation des produits chimiques préoccupants et des additifs toxiques utilisés dans le cycle de vie des plastiques. Ce manque d'expertise sur les questions techniques, combiné à des divergences de vues entre les pays sur le champ d'application (approches en aval uniquement ou sur l'ensemble du cycle de vie, dimension environnementale uniquement ou dimension de la santé humaine), sur les méthodes (plafonnement obligatoire de l'extraction et de la production ou objectifs volontaires) et sur les moyens de mise en œuvre de l'instrument (financement et gouvernance), ainsi que la volonté politique délibérée de bloquer le processus de la part d'une minorité de producteurs de pétrole et de plastique, qui ont profité de leur pouvoir de veto pour bloquer les decisions , ont conduit à l'échec des négociations. 

Alors que la CNI-5.2 devait se terminer le 14 août, les négociations se sont achevées le 15 août à 9 heures du matin, sans résultat, après une nuit longue et confuse au cours de laquelle peu d'informations ont été communiquées entre les sessions plénières. Les groupes de contact n'ayant pas réussi à fournir un texte complet pour étoffer l'accord sur le projet de texte, le président de la CNI a proposé un nouveau projet de texte (13 août 2025) en tant que nouveau document de travail en vue d'un texte final. Toutefois, ce nouveau projet a été largement rejeté et a suscité de vives critiques de la part des pays les plus ambitieux lors de la session plénière du 13 août 2025, car il ne contenait pas de mesures contraignantes pour plafonner la production et réglementer les produits chimiques préoccupants. De surcroît, il ne comportait pas d'article spécifique sur la santé et laissait en grande partie toutes les mesures à la bonne volonté des États individuels. En conséquence, une proposition de texte du Président révisée a été diffusée dans la nuit du 15 août 2025 à 00h48 et une session plénière supplémentaire a été convoquée à 6h12 le 15 août 2025. La plénière s'est terminée à 9h11 le même jour et les négociations ont été une nouvelle fois suspendues et ajournées à une date et un lieu ultérieurs à déterminer.

Manifestation silencieuse de la société civile à l'entrée de la salle des séances plénières des négociations de la CIN-5.2 au Palais des Nations de l'ONU, à Genève, où les délégués devaient passer pour accéder à la salle. Les règles de sécurité de l'ONU n'autorisent pas les manifestations et l'utilisation de logos et/ou de drapeaux dans les locaux de l'ONU, ni la citation ou l'identification de pays spécifiques. Photo : IPEN
Manifestation silencieuse de la société civile à l'entrée de la salle des séances plénières des négociations de la CIN-5.2 au Palais des Nations de l'ONU, à Genève, où les délégués devaient passer pour accéder à la salle. Les règles de sécurité de l'ONU n'autorisent pas les manifestations et l'utilisation de logos et/ou de drapeaux dans les locaux de l'ONU, ni la citation ou l'identification de pays spécifiques. Photo : IPEN

Des militants de Greenpeace ont versé du  faux pétrole devant l'entrée principale du Palais des Nations  à Genève, dénonçant l'influence des lobbies des entreprises de combustibles fossiles sur les négociations CIN-5.2. Photo : Greenpeace.
Des militants de Greenpeace ont versé du faux pétrole devant l'entrée principale du Palais des Nations à Genève, dénonçant l'influence des lobbies des entreprises de combustibles fossiles sur les négociations CIN-5.2. Photo : Greenpeace.

Cet échec s'est produit en dépit d'un fort élan collectif en faveur d'un instrument ambitieux construit par une majorité de nations (environ 100 pays se sont exprimés en faveur d'une forme de plafonnement de la production) et de la société civile. Face à l'urgence de la lutte contre la pollution plastique mondiale et à l'impasse du multilatéralisme fondé sur le consensus, les groupes de la société civile et même certains États ont appelé à une modification des règles de négotiation pour sortir de l'impasse, démocratiser le processus afin de garantir une participation significative des détenteurs de droits et des parties prenantes, et mettre en place un contrôle rigoureux des conflits d'intérêts pour mettre fin à la pénétration des intérêts des entreprises et à la mainmise sur les institutions publiques.

Pourquoi les négociations sur le traité sur le plastique sont-elles importantes pour les travailleurs.euses du service public ? 

La pollution plastique est l'un des plus grands défis de notre époque. Sur les 8,3 milliards de tonnes de plastique produites depuis les années 1950, 79 % ont fini dans des décharges ou se sont répandues dans l'environnement. Menace majeure pour la santé publique et pour l'environnement et cause essentielle de la perte de biodiversité et du changement climatique, la pollution plastique - y compris sous la forme de micro- et nanoparticules - est désormais présente partout sur la planète, y compris dans les pôles et dans les eaux profondes, dans le placenta des enfants à naître et dans nos cerveaux. Ces particules ont contaminé l'ensemble de la chaîne alimentaire et des cycles de l'eau et sont pratiquement impossibles à éliminer. Bien que le plastique soit un matériau incroyablement pratique et polyvalent, il est fabriqué à partir de combustibles fossiles et contient actuellement des milliers de composés chimiques et d'additifs dont l'impact à court et à long terme sur la santé humaine et sur l'environnement n'a pas été testé et n'est pas réglementé. Moins d'un pour cent des produits chimiques du plastique sont réglementés au niveau international. Les émissions de microplastiques dans l'environnement sont estimées à 40 mégatonnes par an, une quantité qui pourrait doubler d'ici 2040 si aucune mesure n'est prise.

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The Story of Plastic is a searing exposé revealing the ugly truth behind plastic pollution and the false solution of plastic recycling. The Story of Plastic presents a cohesive timeline of how we got to our current global plastic pollution crisis and how the oil and gas industry has successfully manipulated the narrative around it.

The Story of Plastic

Les affiliés de l'ISP représentent les travailleurs.euses de la collecte, de la gestion et de l'élimination des déchets, de l'eau et de l'assainissement, ainsi que  des services publics d'urgence et les pompiers. Ces travailleurs.euses sont en première ligne de la partie aval de la chaîne d'approvisionnement en plastique et sont également parmi les plus exposés aux effets des produits chimiques et des additifs contenus dans les matières plastiques. En outre, les infirmières, les sages-femmes, les travailleurs.euses sociaux, les pompiers et les agents des services publics d’urgence utilisent quotidiennement des produits en plastique, qui peuvent contenir des produits chimiques préoccupants et des additifs toxiques. L'ISP représente également les inspecteurs de la réglementation et les scientifiques des agences publiques de l'environnement et de la santé.

Le rapport 2017 de l'OIT intitulé "Expositions dangereuses aux plastiques dans le monde du travail" a constaté que le brûlage à l'air libre des déchets plastiques, en raison de l'absence d'infrastructures adéquates et sûres de gestion et d'élimination des déchets, entraînait une exposition accrue aux substances toxiques, telles que les gaz acides et les cendres, qui peuvent contenir des polluants organiques persistants, en particulier pour les travailleurs.euses des déchets dans les pays en voie de développement. Une étude récente de l'IPEN sur l'exposition chimique des travailleurs.euses dans la gestion et le recyclage des déchets, lancée lors des négociations CNI-5-2, montre qu'en Thaïlande, les travailleurs.euses des déchets sont exposés à au moins 21 substances chimiques préoccupantes, et au Kenya à 30. Il s'agit notamment des phtalates, des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et des retardateurs de flamme organophosphorés (OPFR), tous des produits chimiques liés à des problèmes de développement neurologique et à des perturbations endocriniennes.

Un engagement fort de l'ISP sur le processus du traité sur les matières plastiques depuis 2022

L'ISP et ses affiliés ont reconnu l'importance des négociations du CIN dès le début et ont adopté une position proactive en défendant les travailleurs.euses des services publics et les droits du travail au niveau mondial depuis la CNI-2 à Paris (2022) ; la CNI-3 à Nairobi (2023) et la CNI-4 à Ottawa (2024). L'ISP s'est fortement engagée dans le processus de la CNI et a plaidé pour l'inclusion des considérations de santé et de sécurité au travail (SST) dans les négociations et le texte de la CNI, une dimension largement négligée même au sein du débat animé autour de la santé humaine pendant les négociations. L'ISP reconnaît également le lien critique entre la crise climatique et la production et pollution de plastique. Les affiliés de l'ISP AGOEC (Argentine), TALGWU (Tanzanie), CLOGSAG (Ghana) et CSFP(Canada) ont participé activement à ce plaidoyer. En conséquence, l'OIT a intensifié son propre plaidoyer en faveur de l'inclusion de la SST dans l'accord.

Par la suite, le 19 février 2025, la responsable principale des politique de l'ISP a été invité à rejoindre

 Marcos Orellana, rapporteur spécial des Nations Unies sur les produits toxiques et les droits humains, afin d’ apporter l’expertise de l’ISP dans ce sujet et à présenter une soumission écrite au HCDH, du point de vue des travailleurs.eeuses, sur les "Implications de la pollution plastique pour la pleine jouissance des droits humains " lors de la 33ème session du Conseil consultatif des droits de l'homme

Actions de l'ISP et de la CSI, plaidoyer et formation de coalitions lors de la CIN-5.2 

La délégation syndicale mondiale à la CNI-5.2 a mené des actions et organisé un plaidoyer sans relâche et a ouvré à la formation de coalitions stratégiques tout au long du processus. 

Le 3 août 2025, l'ISP a rejoint la session préparatoire de la CNI-5.2 du Réseau international pour l'élimination des polluants (IPEN), consolidant ainsi l'alliance entre les syndicats et les groupes actifs dans le domaine de la santé humaine et environnementale, ainsi que avec les scientifiques engagés, convenant de l'importance de faire référence à la SST dans le cadre de la protection de la santé humaine.

Session préparatoire INC-5.2 de l'IPEN le 3 août 2025 - Photo : IPEN
Session préparatoire INC-5.2 de l'IPEN le 3 août 2025 - Photo : IPEN

Le 4 août 2025, un jour avant le coup d'envoi des négociations officielles de la CNI-5.2, l'ISP a pris la parole lors de la conversation avec les observateurs et s'est adressée à la directrice exécutive du PNUE, Inger Andersen, et au président de la CNI-5.2, l'ambassadeur Luis Vayas Valdivieso. Dans son intervention, la représentante de l'ISP a souligné les lacunes du texte en ce qui concerne le monde du travail et l'importance cruciale de les corriger pour assurer le succès du Traité.

"Nous demandons que le texte mentionne explicitement la "santé et la sécurité au travail (SST)", qui fait partie intégrante de l'objectif principal du traité : la protection de la santé humaine et de l'environnement. L'instrument ne peut pas protéger efficacement la santé humaine si la SST n'est pas mentionnée et traitée adéquatement dans le texte". Daria Cibrario, Chargée principale des politiques, ISP

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PSI Intervention: Conversation with Observers ahead of INC-5.2

Le même jour, l'ISP a représenté le mouvement syndical mondial au sein du panel sur les " Perspectives du monde du travail " lors du Forum multipartite sur le Traité sur les plastiques CIN-5.2, facilité par le gouvernement suisse. L'ISP s'est jointe à l'OIT, au gouvernement du Brésil, à l'Alliance internationale des récuperateurs de déchets (IAWP), au Caucus des peuples autochtones et à l'Organisation internationale des employeurs (OIE).

Panel sur les " Perspectives du monde du travail " lors du Forum multipartite du Traité sur les plastiques INC-5.2 le 4 août 2025 -  Photo : ISP
Panel sur les " Perspectives du monde du travail " lors du Forum multipartite du Traité sur les plastiques INC-5.2 le 4 août 2025 - Photo : ISP

Dans sa contribution, la représentante de l'ISP a insisté sur l'importance cruciale d'inclure systématiquement dans le texte du Traité un langage et des mécanismes précis pour traiter adéquatement les questions sociales et du travail, englobant dans le texte: 

  • "tous les travailleurs.euses tout au long du cycle de vie des plastiques, dans toutes les formes d'emploi, y compris les ramasseurs de déchets et autres travailleurs.euses vulnérables"

  • "la sécurité et la santé au travail (SST)" et des références aux normes C155, C187 et C170 de l'OIT en matière de SST

  • une disposition juridiquement contraignante pour la transition juste, avec l'exigence de plans nationaux, d'un fonds dédié et de la participation des syndicats

  • des investissements publics – y compris obtenus en taxant les pollueurs - pour (re)construire des infrastructures adéquates pour la gestion des déchets, de l'eau et del'assainissement et pour financer la création d'emplois décents, y compris par le biais du principe du pollueur-payeur et de mesures de justice fiscale. 

 " Les travailleurs.euses que l'ISP représente sont directement exposés aux dangers de la pollution plastique et de ses produits chimiques et additifs toxiques, soit parce que le plastique rentre dans la composition de leurs outils de travail, leurs uniformes et leurs équipements de protection ; ou parce que la collecte  et l'élimination en toute sécurité des déchets - y compris les déchets plastiques - font partie de leur travail quotidien. Nombre d'entre eux travaillent dans des conditions mauvaise et dangereuses , même lorsqu'ils sont techniquement considérés comme "formels". En fait,dans de nombreux pays, il existe une vaste zone grise entre l'emploi "formel" et "informel". C'est pourquoi nous continuons à demander que la référence dans le préambule et dans les autres sections pertinentes du texte du futur traité soit systématiquement faite à « tous les travailleurs.euses tout au long du cycle de vie des plastiques, dans toutes les formes d’emploi, qu’ils soient dans l’économie formelle ou informelle, y compris les récuperateurs de déchets et d’autres travailleurs vulnérables ». Il ne faut pas se focaliser uniquement sur la partie aval de la chaîne d'approvisionnement". Daria Cibrario, Chargée principale des politiques , ISP

Dans l'après-midi du 4 août 2025, l'ISP a appelé ses collègues de la CSI et des federations syndicales mondiales à se joindre à une manifestation organisée par Greenpeace pour réclamer un traité sur les plastiques ambitieux.

Panel sur les " Perspectives du monde du travail " lors du Forum multipartite du Traité sur les plastiques INC-5.2 le 4 août 2025 -  Photo : ISP
Panel sur les " Perspectives du monde du travail " lors du Forum multipartite du Traité sur les plastiques INC-5.2 le 4 août 2025 - Photo : ISP

Dans sa contribution, la représentante de l'ISP a insisté sur l'importance cruciale d'inclure systématiquement dans le texte du Traité un langage et des mécanismes précis pour traiter correctement les questions sociales et de travail, en englobant :

  • "tous les travailleurs tout au long du cycle de vie des plastiques, dans toutes les formes d'emploi, y compris les ramasseurs de déchets et autres travailleurs vulnérables "

  • "la sécurité et la santé au travail (SST)" et des références aux normes C155, C187 et C170 de l'OIT en matière de SST

  • une disposition juridiquement contraignante pour la transition juste, avec l'exigence de plans nationaux de transition juste, d'un fonds dédié et de la participation des syndicats

  • des investissements publics - obtenus en taxant les pollueurs - pour (re)construire des infrastructures adéquates pour les déchets, l'eau et l'assainissement et pour financer la création d'emplois décents, y compris par le biais du principe du pollueur-payeur et de mesures de justice fiscale.

"Les travailleurs représentés par l'ISP sont directement exposés aux dangers de la pollution plastique et de ses produits chimiques et additifs toxiques, soit parce que le plastique constitue leurs outils de travail, leurs uniformes et leurs équipements de protection, soit parce que l'enlèvement et l'élimination en toute sécurité des déchets - y compris des déchets plastiques - font partie de leur travail quotidien. Nombre d'entre eux travaillent dans des conditions extrêmement dangereuses et médiocres, même lorsqu'ils sont techniquement considérés comme "formels" - mais dans de nombreux pays, il existe une vaste zone grise entre l'emploi "formel" et "informel"". C'est pourquoi nous continuons à demander que la référence dans le préambule et dans les autres sections pertinentes du texte soit systématiquement faite à "tous les travailleurs tout au long du cycle de vie des plastiques, dans toutes les formes d'emploi, que ce soit dans l'économie formelle ou informelle, y compris les ramasseurs de déchets et les autres travailleurs vulnérables". Il ne faut pas se focaliser sur la partie aval de la chaîne d'approvisionnement". Daria Cibrario, responsable politique, ISP.

Dans l'après-midi du 4 août 2025, l'ISP a appelé ses collègues de la CSI et de la FSI à se joindre à une manifestation organisée par Greenpeace pour réclamer un traité ambitieux sur les plastiques.

Membres du personnel de l'ISP, de la CSI et de l'UITA ont soutenu Greenpeace demandant un traité sur le plastique fort lors de la manifestation à Genève avant la CNI-5.2. Crédits photos : ISP, Greenpeace
Membres du personnel de l'ISP, de la CSI et de l'UITA ont soutenu Greenpeace demandant un traité sur le plastique fort lors de la manifestation à Genève avant la CNI-5.2. Crédits photos : ISP, Greenpeace

Photo: Greenpeace
Photo: Greenpeace

Dans l'après-midi du 5 août 2025, l'ISP a fait une présentation lors de la plénière d'ouverture de la CNI-5.2 au nom du Groupe majeur des Nations unies des travailleurs et des syndicats, demandant - entre autres - que " le traité farre référence de manière explicite au dialogue social, aux organisations de travailleurs, aux partenaires sociaux et à la négociation collective en tant que piliers institutionnels pour la mise en œuvre d'une transition juste, comme l'exige le cadre normatif international actuel ". 

Dans la matinée du 6 août 2025, l'ISP s'est jointe à l'action de plaidoyer No Plastics in My Sea, afin de sensibiliser les délégués de la CNI-5.2 et le grand public au rôle essentiel que joue l'accès à des services publics d'eau et d'assainissement de qualité pour réduire la pollution plastique à l'échelle mondiale. L'ISP et la FSESP se sont jointes à l'" Appel à soutenir l'accès universel aux services d'eau et à mettre fin à l'expansion des bouteilles en plastique " lancé par l'organisation et approuvé par plus de 130 signataires avant les négociations.

Photo: No Plastics in My Sea
Photo: No Plastics in My Sea

« Une vision audacieuse d’un monde sans pollution plastique doit nécessairement inclure des investissements publics adéquats dans des infrastructure d'eau et d'assainissement de qualité qui doivent être sûres pour les utilisateurs, les travailleurs.euses et l'environnement. S'il y a une seule chose qui peut réduire les déchets plastiques de plusieurs tonnes dans l'immédiat, c'est l'accès direct à l'eau potable dans les foyers et les communautés. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une eau PUBLIQUE, pas d'une eau PLASTIQUE". Daria Cibrario, Chargée principale des politiques , ISP 

Le 7 août, l'ISP a approuvé l'analyse menée par le Center for International Environmental Law (CIEL) sur la mainmise des entreprises sur les négociations INC-5.2, qui a révélé que les lobbyistes des industries des combustibles fossiles et des produits chimiques étaient plus nombreux que les délégations diplomatiques combinées de l'ensemble des 27 nations de l'Union européenne (233), et que

19 lobbyistes de l'industrie chimique et des combustibles fossiles ont été accrédités en tant que délégués nationaux. 

"Des millions de travailleurs sont exposés à des substances chimiques préoccupantes et à des additifs toxiques tout au long du cycle de vie des plastiques, y compris les travailleurs de première ligne dans les services municipaux de gestion des déchets, de l'eau et de l'assainissement, ainsi que les travailleurs du secteur de la santé et les pompiers. Le rapport de CIEL expose la réalité de la mainmise des entreprises sur nos institutions nationales et multilatérales et étaye notre appel à un changement urgent. Les pollueurs doivent être tenus responsables du fardeau qu'ils font peser sur les sociétés en matière de santé et d'environnement et doivent rembourser par le biais d'une fiscalité équitable, conformément à la mise en œuvre du principe du pollueur-payeur. Nous exhortons le PNUE et les États membres à résister à la pression des pollueurs et à soutenir un traité ambitieux qui protège à la fois les travailleurs.euses et l'environnement".

Daniel Bertossa, Secrétaire général,ISP

Au cours des négociations, l'ISP et la CSI se sont jointes à l'OIT et à l'OIE en tant que partenaires sociaux rencontrant les délégations gouvernementales afin de garantir l'article sur la transition juste et de le lier au concept de l'OIT inscrit dans les lignes directrices sur la transition juste.

  Représentants de l'ISP, de l'OIT, de la CSI et de l'OIE à la réunion CIN-5.2 - Photo: ISP
Représentants de l'ISP, de l'OIT, de la CSI et de l'OIE à la réunion CIN-5.2 - Photo: ISP

L'ISP a également participé à deux débats informels avec des délégués, organisés par la Coalition des scientifiques pour un traité efficace sur le plastique, l'OMS et Health Care without Harm, afin de soulever la question de l'inclusion de la SST dans le futur traité. 

La CSI a également pris la parole lors de deux conférences de presse organisées dans l'espace de l'ONU par la Just Transition Coalition Alliance les 8 et 13 août 2025. 

Photo : ISP/CSI - Repon Chowdhury, CSI, est intervenu au nom du mouvement syndical mondial lors de la conférence de presse de l'Alliance pour une transition juste, les 8 et 13 août 2025, dans le cadre de la CNI-5.2.
Photo : ISP/CSI - Repon Chowdhury, CSI, est intervenu au nom du mouvement syndical mondial lors de la conférence de presse de l'Alliance pour une transition juste, les 8 et 13 août 2025, dans le cadre de la CNI-5.2.

Dans son intervention au nom du Mouvement syndical mondial, Repon Chowdhury, CSI, a déclaré :

"Les mesures de transition juste comprennent en particulier - entre autres - des politiques actives du marché du travail pour créer de nouveaux emplois décents dans lesquels garantir la transition des travailleurs.euses tout au long du cycle de vie des plastiques afin qu'ils puissent maintenir et améliorer leurs revenus et leurs moyens de subsistance. Tous les États doivent assumer la responsabilité des droits humains, sociaux et du travail pour leurs propres populations et garantir un travail décent et une vie digneà leurs propres travailleurs employés tout au long du cycle de vie du plastique, que ce soit dans l'économie formelle ou informelle, y compris les récuperateurs, les travailleurs indigènes et autres travailleurs vulnérables, conformément à leurs engagements internationaux en vertu du droit international du travail et à leur adhésion à l’OIT ». Repon Chowdhury, CSI

Que se passe-t-il maintenant? 

Officiellement, la CNI n'est pas terminée et a convenu de se réunir à nouveau à une date et dans un lieu qui restent à déterminer. On ne sait pas encore si la dernière version du texte du Président  constituera une future base de négociation et s'il y a une chance que le processus décisionnel fondé sur le consensus soit remis en question au profit d'une coalition d’états volontaires prêts à aller de l’avant. Entre-temps, certains gouvernements locaux progressistes ont décidé d'interdire certains produits en plastiques. Ainsi, l'État d'Australie-Méridionale vient d'interdire un certain nombre de produits en plastique à usage unique, dont les emblématiques récipients de sauce soja en forme de poisson fournis avec les sushis à emporter. 

Bien que cette dernière version du texte du Président de la CIN ne contienne pas de proposition de plafonnement contraignant de la production de plastique et de réglementation des substances chimiques préoccupantes, elle donne un ton plus ambitieux en déclarant d'emblée que les niveaux de production de plastique sont actuellement insoutenables et qu'une action coordonnée au niveau internationalest nécéssaire. En ce qui concerne les questions sociales et du travail, aucune modification substantielle n’a été apportée par rapport au projet de texte précédent, bien que l'article relatif à la transition juste soit passé de l'art. 10 à l'art. 9. Toutefois, la référence aux travailleurs.euses et aux communautés " indigènes " a été supprimée du texte, ce qui constitue une préoccupationL'ISP et la CSI ont plaidé en faveur de la reconnaissance des recuperateurs de déchets et des travailleurs.euses indigènes dans la catégorie des travailleurs.euses vulnérables confrontés à la pollution plastique et continueront à le faire sans relâche.