En mars, le Réseau des syndicats pour la justice fiscale a réuni des syndicats, des chercheurs et des alliés de la société civile pour analyser les derniers développements qui façonnent la politique fiscale mondiale. Des retombées des menaces fiscales américaines aux nouvelles recherches sur la fiscalité unitaire, en passant par l'évolution rapide des négociations de l'ONU, la réunion a permis de clarifier et d'orienter les choses. Ce résumé met en lumière les messages clés des présentations des experts et prépare le terrain pour la suite de la lutte mondiale en faveur d'une fiscalité équitable.

Network of Unions for Tax Justice
Syndicats et experts dissèquent les défis et les opportunités de la réforme fiscale mondiale
En mars, le Réseau des syndicats pour la justice fiscale (NUTJ) a réuni plus de 50 dirigeants syndicaux, experts fiscaux et représentants de la société civile autour des thèmes de la réforme fiscale mondiale, de la responsabilité des entreprises et de la répartition équitable des revenus.
Organisée virtuellement avec des participants du monde entier, la réunion a mis en lumière le rôle croissant des syndicats dans l'élaboration de la politique fiscale internationale. Des changements dans les stratégies fiscales des États-Unis et de l'Union européenne aux nouvelles recherches sur la répartition des revenus et aux mises à jour de la Convention-cadre des Nations unies sur la coopération fiscale internationale, l'ordre du jour a souligné l'importance d'une analyse collective et d'un plaidoyer coordonné à un moment critique pour la justice fiscale mondiale.
La coopération fiscale sous pression : la position des États-Unis
Zorka Milin, conseillère politique principale à la FACT Coalition, a ouvert la discussion par une analyse approfondie des récents développements de la politique fiscale américaine. Elle a attiré l'attention sur le décret pris par le président Donald Trump à son retour au pouvoir, qui a déclaré que les engagements des États-Unis à l'égard de l'accord fiscal mondial de l'OCDE n'étaient pas contraignants sans l'approbation du Congrès.
Bien qu'en grande partie symbolique, le décret a signalé une position plus conflictuelle, en particulier parce qu'il a chargé le Trésor américain d'enquêter pour déterminer si les règles fiscales étrangères ont un impact injuste sur les entreprises américaines. Mme Milin a mis en garde contre d'éventuelles mesures de rétorsion - y compris des actions commerciales et des taux d'imposition punitifs - visant les pays qui mettent en œuvre des taxes sur les services numériques ou la règle des bénéfices sous-imposés (UTPR).
Malgré ces menaces, elle conseille aux syndicats d'exhorter les pays à tenir bon. La dynamique mondiale en faveur de la réforme reste forte, même si les États-Unis se retirent du processus de la Convention-cadre des Nations unies. Mme Milin a également mis l'accent sur les tendances internes aux États-Unis, notamment les coupes budgétaires sévères imposées à l'IRS et le blocage des efforts visant à supprimer les échappatoires fiscales, soulignant ainsi l'urgence d'une coopération internationale.
Perspectives européennes sur la réforme fiscale multilatérale
Sébastien Laffitte, professeur assistant à l'université CY Cergy-Paris et chercheur à l'Observatoire fiscal de l'UE, a offert une perspective européenne sur la réforme fiscale multilatérale et les tensions actuelles avec les États-Unis. Il a souligné comment l'UTPR a été conçu pour encourager la mise en œuvre mondiale de l'imposition minimale en permettant aux pays d'imposer les bénéfices sous-imposés lorsque le pays d'origine d'une multinationale ne le fait pas.
M. Laffitte a mis en garde contre le fait que les discussions de l'UE sur les zones de sécurité pour les entreprises américaines pourraient affaiblir le système, ce qui risquerait de désavantager les entreprises européennes et de saper la confiance dans les nouvelles règles. Il a également noté les appels croissants au sein de l'UE en faveur d'une simplification des systèmes d'imposition des sociétés et d'une réduction des réglementations - une tendance qu'il a qualifiée de "désencombrement" - ce qui pourrait limiter l'appétit politique pour des réformes plus fortes.
Malgré ces défis, M. Laffitte a affirmé que des politiques fiscales internationales ambitieuses restaient viables, même sans la participation des États-Unis. Il a également souligné que la concurrence en matière de subventions constituait un risque imminent, les pays étant susceptibles d'utiliser des aides d'État plutôt que des allègements fiscaux pour attirer les multinationales, ce qui soulève de nouvelles préoccupations en matière d'équité, de finances publiques et de droits du travail.
Une nouvelle étude renforce les arguments en faveur de l'imposition unitaire
Le professeur Simon Loretz, économiste principal à l'Institut autrichien de recherche économique (WIFO), a présenté les résultats d'une nouvelle étude commandée par le NUTJ et la Chambre autrichienne du travail. L'étude explore les effets potentiels sur les recettes du remplacement de la comptabilité séparée par une taxation unitaire utilisant la répartition par formule.
Alors que les paradis fiscaux et les centres financiers devraient perdre des recettes, la plupart des pays verraient leurs recettes augmenter, en particulier s'ils réduisent l'écart entre le taux d'imposition légal et le taux d'imposition effectif.
Les entreprises qui pratiquent l'évasion fiscale agressive devront s'acquitter de factures fiscales plus élevées, tandis que d'autres pourraient bénéficier de la consolidation internationale des pertes. M. Loretz a souligné que les économies d'impôt réalisées grâce à l'évasion fiscale sont rarement réinvesties dans les salaires ou la productivité et qu'elles sont plutôt accaparées par les dirigeants et les actionnaires. Par conséquent, l'augmentation de la charge fiscale de ces entreprises aurait probablement un effet positif sur la gouvernance durable. Il a également noté que tout effet sur les salaires affecterait principalement les plus hauts revenus, et que la délocalisation des emplois en réponse aux nouvelles règles de répartition est coûteuse et improbable.
Le rapport final sera bientôt publié, ainsi qu'un résumé des principales conclusions.
Outils et stratégies de données pour la défense des intérêts de l'ONU
Daniel Kostzer, économiste en chef à la CSI, a présenté la base de données longitudinale des recettes mondialesdu FMI , uneressource qui suit les tendances des recettes publiques et met en évidence les écarts fiscaux entre les différents groupes de revenus et les différentes régions. Les données confirment l'existence d'une importante sous-imposition dans de nombreux pays en développement, en particulier en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et sur la fortune, et soulignent la nécessité d'une meilleure surveillance, d'une meilleure application et de réformes progressives.
Séverine Picard, coordinatrice du NUTJ, a conclu la réunion par une mise à jour stratégique de la Convention-cadre des Nations unies sur la coopération fiscale internationale. Les négociations progressent rapidement et devraient débuter en août 2025. Mme Picard a souligné les questions clés que les syndicats devront aborder dans les mois à venir, notamment les structures de gouvernance, l'attribution équitable des droits d'imposition et les risques liés aux mécanismes de règlement des différends qui s'apparentent à l'arbitrage entre investisseurs et États.
Le processus de l'ONU étant désormais en marche, M. Picard a appelé à un plaidoyer coordonné entre les régions - en faisant pression sur les gouvernements du Nord pour qu'ils cessent de bloquer les progrès et en soutenant les demandes unifiées des pays du Sud.
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