Quatrième Assemblée populaire de la santé, au Bangladesh

Pendant la semaine du 15 au 19 novembre 2018, plus d’un millier de délégué-e-s, notamment des militant-e-s de base du secteur de la santé, des organisations de la société civile, des établissements universitaires, des ONG et des responsables politiques du monde entier, y compris une délégation de l’Internationale des services publics, se sont réunis dans le quartier de Savar, à Dhaka, au Bangladesh, pour la quatrième Assemblée populaire de la santé.

Organisée pendant l’année du 40ème anniversaire de la Déclaration d’Alma-Ata, la quatrième Assemblée populaire de la santé a donné une occasion unique d’analyser la santé à l’échelle mondiale, de partager les expériences, de s’enrichir mutuellement et d’élaborer des stratégies communes pour les actions à mener à l’avenir en faveur de la santé pour tous. La Déclaration d’Alma-Ata pour le monde d’aujourd’hui a donné lieu à une discussion critique sur plusieurs sessions.

L’Assemblée a pris en compte les expériences partagées et les réalités de différentes régions du monde, procédé à une analyse comparative des soins de santé primaires complets et d’autres initiatives mondiales telles que les ODD 3 et 5 destinés à remédier aux besoins de santé à travers le monde, et a étudié les statistiques disponibles, après quoi elle a reconnu l’importance des progrès réalisés au cours des quatre dernières décennies pour atteindre l’objectif de santé pour tous.

Toutefois, la quatrième Assemblée populaire de la santé déplore la lenteur de ces avancées, à l’origine de millions de décès qui auraient pu être évités, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire, tandis que les responsables politiques échafaudent des plans de santé sélectifs dans le cadre de programmes néolibéraux, qui aggravent les inégalités et ne respectent pas le principe des soins de santé primaires – selon lequel une santé de qualité doit être accessible et abordable pour tous.

Au contraire, il a été observé que la santé devenait de plus en plus coûteuse et inaccessible à mesure que les prestations de santé s’orientaient vers la privatisation plutôt que vers le service public. La menace qui pèse sur l’Obamacare, aux États-Unis, en est un exemple caractéristique. Le manque de financement intentionnel des systèmes publics de santé dans les pays à revenu faible et intermédiaire est aujourd’hui fréquent, simplement pour rendre ces systèmes inopérants et ainsi justifier leur privatisation.

En analysant attentivement les statistiques, les participant-e-s ont attiré l’attention sur la fracture existante entre les riches et les pauvres et sur le lien proportionnel direct entre la richesse et la santé. Par exemple, à travers le monde, le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans a chuté de 47%, passant de 78 décès à 41 pour 1000 naissances vivantes entre 2000 et 2016.

Cela étant, 5,6 millions d’enfants de moins de cinq ans ont péri en 2016, selon les données du rapport sur la Stratégie mondiale pour la santé des femmes, des enfants et des adolescents (2016-2030). L’Observatoire mondial de la santé précise qu’il s’agit à 46% (soit 2,6 millions) de décès néonataux (au cours des 28 premiers jours de vie, dont 7000 morts de nouveau-nés par jour pendant la première semaine de vie). Ces statistiques révèlent que les enfants des communautés pauvres sont plus vulnérables. Le plus grave est de constater que 60 pays n’atteindront pas l’ODD relatif à la mortalité néonatale d’ici à 2030 s’il n’y a pas de changement par rapport à la situation actuelle.

De la même manière, la mortalité maternelle a diminué de 37% entre 2000 et 2015. Toutefois, environ 303.000 décès de mères ont été enregistrés sur le globe pour la seule année 2015. La majeure partie de ces décès étaient malheureusement dus à des circonstances évitables. Par ailleurs, les chiffres indiquent que la mortalité maternelle est la cause principale de décès chez les adolescentes âgées de 15 à 19 ans.

Il est particulièrement alarmant de noter qu’en dépit de tous les progrès réalisés jusqu’à présent, il apparaît que seulement la moitié des femmes des pays en développement bénéficient des soins de santé qui leur sont nécessaires, et que les besoins des plannings familiaux affichent une augmentation à deux chiffres du fait de la croissance de la population, tandis qu’il faut encore améliorer l’accès au planning familial pour les 225 millions de femmes qui en ont besoin.

Toutes les données ci-dessus montrent qu’il existe un grave problème au niveau de la gestion de la santé dans notre monde actuel. Mais il est plus inquiétant encore d’apprendre que si nous ne changeons rien, il faudra, d’après les chercheurs, 250 ans pour atteindre l’objectif de santé pour tous !

Le monde ne peut pas attendre aussi longtemps pour mettre fin aux centaines de milliers et aux millions de décès de femmes et d’enfants qui pourraient être évités chaque année, d’autant plus que nous disposons déjà d’un modèle efficace de prestation de soins de santé, qui a vu le jour il y a une quarantaine d’années. Les délégué-e-s de l’Assemblée ont établi que, si la santé est effectivement un droit humain essentiel, elle doit être inscrite dans la Déclaration d’Alma-Ata qui stipule que la santé doit être disponible, accessible, abordable et de qualité pour tous.

Les membres de la communauté mondiale, qui ont cordialement débattu pendant cinq jours, ont jugé leurs échanges motivants, enrichissants et objectifs, et ont fait preuve d’unité dans la sensibilisation à la santé pour tous. Les participant-e-s souhaitent le retour des soins de santé primaires complets, comme prévu dans la Déclaration d’Alma-Ata, la fin de la privatisation des services de santé, la hausse du soutien budgétaire dédié à la santé de la part des gouvernements, des bailleurs de fonds et d’autres partenaires et la mise en place de mécanismes obligeant à rendre des comptes dans les systèmes de santé.

Le People’s Health Movement (Mouvement populaire pour la santé) et ses alliés, parmi lesquels l’ISP, se sont une nouvelle fois engagés à défendre plus vigoureusement la cause de la santé pour tous au cours des années à venir et se sont donné l’objectif d’étendre les réseaux de campagnes de santé fondées sur les droits humains à un plus grand nombre d’individus, de groupes et de pays.

George Poe Williams est Secrétaire général du National Health Workers’ Union of Liberia (NAHWUL)