1er mai - Journée internationale des travailleurs/euses Déclaration du 1er mai de l'ISP : Il est temps de passer des applaudissements à l'action
Le 1er mai, nous célébrons à la fois les travailleurs/euses du service public qui, face au Covid-19, se sont révélé-e-s plus essentiel-le-s que jamais, et tous ceux qui servent nos communautés et construisent l'économie réelle. C'est à partir de ce terreau fertile que l'économie post-pandémique doit s'épanouir, avec les droits des travailleurs/euses à sa base, et non à partir de la cupidité des entreprises ou de la spéculation financière
Rosa Pavanelli
En ce 1er mai 2021, nous voulons souligner que la réaffirmation de l'engagement du mouvement syndical en faveur des droits des travailleurs/euses et de la défense des emplois risque d'être une simple rhétorique si nous ne nous attaquons pas aux causes profondes de l'injustice qui a été exacerbée par la pandémie.
Un an après le début de la pandémie, nous sommes de retour aux affaires courantes. Une urgence de santé publique devient une opportunité de profit privé pour les Big Pharma. Un-e travailleur/euse mourant toutes les 30 minutes n'est plus qu'un chiffre dans le récit qui les dépeint comme des héros. Les gouvernements qui avaient promis de se battre pour plus de transparence fiscale afin de collecter des fonds pour reconstruire les services publics ferment maintenant les yeux et conspirent dans notre dos pour réduire nos salaires et nos emplois.
Il est temps pour nous de demander au mouvement syndical et à nos alliés d'avoir un programme radical
Lorsque la pandémie a commencé, pendant un bref instant, nous avons eu l'impression d'être devant une opportunité unique pour l'humanité dans son ensemble - et c'est peut-être encore le cas. Mais après 3 millions de morts et avec plus de 250 millions d'emplois perdus l'année dernière, ce que nous voyons, du moins pour l'instant, est tout le contraire.
La pandémie a exacerbé les inégalités et les a rendues beaucoup plus visibles. Elle a également exposé en plein jour la domination du Nord global dans les processus économiques et politiques et la manière dont elle est utilisée pour soutenir les intérêts des entreprises, notamment au détriment des pays en développement.
La fissure déjà existante entre le Nord et le Sud est maintenant devenue une fracture ouverte. Près de 40 % de toutes les doses de vaccin dans le monde ont été administrées dans 27 pays riches pour les premiers, soit 1 personne sur 4, alors que pour les seconds, le ratio chute dramatiquement à 1 personne sur 500.
Il semble que les avertissements des épidémiologistes selon lesquels "personne n'est en sécurité tant que tout le monde ne l'est pas" et qu'il nous reste moins d'un an avant que les mutations ne rendent les vaccins actuels inefficaces ne suffisent pas à contrer la soif de profits des entreprises et à faire changer d'avis les riches gouvernements sur la dérogation ADPIC.
Big Pharma affirme que la suppression des dérogations freinera l'innovation, mais, surprise, la recherche sur le vaccin Covid d'Oxford/AstraZeneca s'est faite avec l'argent des contribuables. Ce qui rend la chose encore plus scandaleuse, c'est le fait que le total des sommes versées par AstraZeneca, Pfizer et Johnson & Johnson en dividendes et rachats d'actions à leurs actionnaires au cours des 12 derniers mois aurait suffi à vacciner 1,3 milliard de personnes, soit la population de l'Afrique.
Nous devons continuer à rappeler aux populations que ce sont les services publics qui assurent leur sécurité et soutiennent l'économie
Tout cela étant dit, il y a encore ceux qui insistent sur le fait que nous sommes tous dans la même tempête... - alors que nous savons tous que certains l'affrontent dans des yachts et d'autres dans des canots pneumatiques.
Mais l'histoire n'est pas encore écrite.
De nombreux vieux mythes, soigneusement établis et promus, se fissurent : que les chaînes de valeur mondiales sont efficaces et flexibles, que le secteur privé est toujours meilleur, que les services publics peuvent être privatisés en toute sécurité, que les dépenses ne peuvent être augmentées pour des mesures sociales et bien d'autres encore. Nous avons maintenant l'occasion de créer un nouveau récit cohérent qui galvanise un large soutien à notre cause.
Il est temps pour nous d'être audacieux et de nous faire entendre.
Il est temps pour nous de demander au mouvement syndical et à nos alliés d'avoir un programme radical.
Nous ne pouvons pas laisser ceux qui nous ont conduits ici nous ramener à l'endroit où la crise actuelle trouve ses racines. Nous devons faire comprendre une fois pour toutes que le rétablissement de l'ancien système ne fonctionnera pas. Que ceux qui ont causé la crise ne peuvent représenter la solution. Maintenant, plus que jamais, nous avons besoin d'un changement fondamental, avec des services publics redynamisés comme moteur clé de notre relance.
Nous ne pouvons pas permettre que la pandémie de Covid-19 soit utilisée comme prétexte pour éroder les conditions de travail des travailleurs/euses et saper les droits syndicaux - comme en Inde où une ordonnance draconienne sous couvert de faciliter les activités économiques a éliminé, d'un seul coup, 38 lois du travail pour une période de 1.000 jours.
Nous devons continuer à rappeler aux populations que ce sont les services publics qui assurent leur sécurité et soutiennent l'économie.
Avec la pandémie, les riches et les privilégiés ont reconsidéré ce à quoi ils accordent de la valeur : la famille, la santé, l'éducation, la stabilité et combien ils comptent sur les travailleurs/euses et les services publics marginalisés pour garantir cette sécurité. Mais "les applaudissements" ne se sont pas traduits par de meilleurs salaires et conditions de travail - et nous devons continuer à nous battre pour que cela devienne une réalité.
Ne commettons pas deux fois la même erreur : Faire preuve d'indulgence envers le capital sera un compromis coupable
Il est temps pour nous de réimaginer le rôle d'un État progressiste et redistributif qui place les droits humains et la protection de l'environnement en son centre. De veiller à ce que les gouvernements reprennent les outils permettant de donner du pouvoir à l'État et aux services publics dans la poursuite du développement.
Il est temps pour nous de nous battre pour plus de transparence fiscale afin que nous puissions enfin récupérer les milliards qui coulent sur des comptes bancaires offshore et utiliser ces fonds pour reconstruire nos services publics. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre chaque année 34 millions de salaires du personnel infirmier en raison d'abus fiscaux. D'autant moins qu'il manque encore 6 millions d'infirmier/ères dans le monde, selon Le rapport 2020 sur La situation du personnel infirmier dans le monde de l'OMS.
Il est temps pour nous de faire pression sur l'UE pour qu'elle prenne la tête du G20 en soutenant une dérogation aux ADPIC afin que nous puissions accélérer les vaccinations et éviter les risques d'autres confinements sans fin, d'une réaction publique croissante, de variations mutantes et de morts inutiles.
Il est temps de reconnaître les nombreux emplois de première ligne qui ont permis à nos communautés de fonctionner et qui sont majoritairement occupés par des femmes : le travail de soins, le travail de santé, le nettoyage et la garde d'enfants - des travailleurs/euses qui sont trop souvent mal considéré-e-s, sous-payé-e-s et soumis-e-s à une grande précarité et à des demandes de travail gratuit et privés de droits d'emploi formels.
En bref, il est temps pour nous, travailleurs/euses des services publics, de faire le lien avec d'autres combats et d'expliquer comment les changements dont nous avons besoin ne sont pas propres à la pandémie : que la résolution du changement climatique, des inégalités et du chômage passe tous par des investissements dans des services publics de qualité, la redistribution des richesses, les droits des travailleurs/euses et une démocratie plus forte et meilleure.
Ne commettons pas deux fois la même erreur : après la crise financière de 2008, nous avons regardé les entreprises et la communauté financière mondiales saisir l'occasion de faire du programme de financement du développement 2030 une autre source de leurs profits. Reconnaître le rôle des partenaires sociaux ne peut signifier partager le but et les objectifs des grandes entreprises. Faire preuve d'indulgence envers le capital sera un compromis coupable. Nous devons nous tenir aux côtés de notre peuple et réclamer immédiatement des changements structurels.
L'avenir, c'est maintenant ou il ne sera pas.