L’ISP porte des accusations contre le Brésil auprès de l’OIT au sujet des conditions de travail en temps de pandémie

Le rapport remis à l'Organisation Internationale du Travail (OIT) souligne les violations de ses Conventions sur le droit d'organisation et de négociation collective, sur les consultations tripartites visant à promouvoir l'application des normes internationales du travail, sur la promotion de la négociation collective et sur la sécurité et la santé des travailleurs. Publié à l'origine à l'UOL, par Jamil Chad

Le gouvernement brésilien est la cible d'un rapport transmis à l'Organisation internationale du travail (OIT) en raison des conditions de travail précaires pendant la pandémie de Covid-19. Le document a été présenté cette semaine à l'Organisation par une fédération syndicale internationale, l’Internationale des Services Publics (ISP) qui compte 30 millions de membres dans le monde. L'OIT est une entité qui réunit les gouvernements, les employeurs et les travailleurs. Dans un rapport au Comité d'experts sur l'application des Conventions et Recommandations de l'OIT, l’ISP dénonce les violations des Conventions internationales par l'État brésilien.

Le Comité d'experts, qui examine les informations apportées par les États membres et les organisations d'employé-e-s et d'employeurs sur les Conventions ratifiées, se réunira en novembre et étudiera les questions liées à la pandémie dans les différents pays.

Le Brésil est déjà amené à répondre au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, des cas sérieux ont même été portés devant la Cour pénale internationale et maintenant le dossier a également été présenté à l'OIT, en signe de pression sur le gouvernement.

Le rapport que les experts ont reçu et obtenu de la direction souligne les violations par le Brésil des Conventions numéro C98, sur le droit d'organisation et de négociation collective ; Convention C144, sur les consultations tripartites pour promouvoir l'application des normes internationales du travail ; Convention C154, sur la promotion de la négociation collective ; et numéro C155, sur la sécurité et la santé des travailleurs.

L'un des griefs portés par l’ISP est la mesure provisoire n°927, avec l'accent mis sur l'article qui prévoyait que les cas de contamination par le coronavirus ne seraient pas considérés comme professionnels, sauf sur preuve du lien de causalité.

"La qualification de Covid-19 comme maladie professionnelle ou de travail est d'une importance fondamentale pour les travailleurs/euses brésilien-ne-s, car elle garantit les prestations de la Sécurité sociale : l'obtention d'une aide en cas de maladie accidentelle et la garantie d'un emploi pendant 12 mois, ainsi que la possibilité pour le/la travailleur/euse d'être indemnisé(e) par l'entreprise en cas de blessure permanente ou de décès résultant de la maladie contractée en le milieu professionnel", précise l'ISP dans le document soumis à l'OIT.

L'Organisation Internationale du Travail elle-même s'est déjà exprimée sur la caractérisation de Covid-19 comme une maladie professionnelle.

Dans une autre partie du document, l’ISP cite l'ordonnance conjointe n° 20 du ministère de l'économie et du ministère de la santé, indiquant les mesures à respecter pour prévenir, contrôler et atténuer les risques de transmission du Covid-19.

"L'Ordonnance conjointe n° 20 comporte certaines lignes directrices qui vont à l'encontre des règles établies dans les décrets des états, des districts ou des municipalités, notamment en ce qui concerne la distanciation sociale des travailleurs/euses et des groupes à risque. Il faut noter ici que le gouvernement brésilien n'a pas édicté de règle générale sur la prévention du Covid-19", souligne l'ISP. Selon l'évaluation de la fédération syndicale, l'ordonnance ouvre des brèches amenant les travailleurs/euses appartenant aux groupes à risque de devoir travailler en présentiel pendant la pandémie.

Le document cite également une enquête menée par l'ISP, à laquelle ont répondu plus de 3 000 travailleurs du secteur de la santé et des services essentiels au Brésil. L'enquête a révélé que 63% n'ont pas accès à un équipement de protection individuelle suffisant, que 69% n'ont pas reçu de formation spécifique pour s'occuper des patients atteints de Covid-19, et que 54% sont en détresse psychologique suite à cette période de crise au travail.

"Comme l'OIT le sait, le Brésil connaît aujourd'hui une dégradation dans les relations professionnelles et, par conséquent, dans les relations sociales", indique le rapport.

"La réalité de ceux/celles qui travaillent dans le pays est calamiteuse, indigne et dégradante", souligne-t-il. "Les droits humains fondamentaux sont bafoués, ce qui nuit à la compréhension scientifique et internationale. Pour toutes ces raisons, nous considérons qu'il est extrêmement important que ces observations soient acceptées par le Comité d'experts", insiste l’ISP.

"Il est impératif d'éviter l'arbitraire pendant la pandémie afin d'empêcher une nouvelle détérioration des relations sociales et professionnelles au Brésil et de stimuler le processus de reconstruction des droits et de la dignité des travailleurs/euses. Nous demandons donc une analyse et un positionnement de de l’OIT", ajoute l'ISP dans le document.