Liberia : les syndicats et les OSC main dans la main

La stratégie de réponse de l'ISP à Ebola axée sur l’argumentation, le travail en réseau et les actions de lobbying, arrive pratiquement à son terme, et les syndicats participants sont toujours aussi actifs. Au Liberia, où les affiliés de l’ISP ont établi une vaste collaboration entre les syndicats et les organisations de la société civile, le Comité de gestion de projet composé de représentants de NAHWAL, NTUPAW, CTIL, CSA et HRM a organisé deux ateliers afin d’améliorer l’expertise et les moyens d’action de l’ensemble du réseau.

Le premier atelier portait sur la législation du travail. Étant donné que le gouvernement libérien n’a toujours pas réintégré plusieurs dirigeants syndicaux licenciés, et qu’il refuse de reconnaître les organisations de travailleurs dans le secteur public (alors que la constitution libérienne garantit le droit d’association), les syndicats et les OSC se sont regroupés pour élargir leurs connaissances juridiques et élaborer une campagne générale sur cette question.

Comme les syndicats de la fonction publique s’y attendaient, il n’y a rien dans la législation libérienne qui interdise aux travailleurs de s’organiser et de créer des syndicats dans le secteur public. Non seulement ce droit est clairement établi dans la constitution, mais en outre le Liberia a signé les Conventions n°87 et 98 de l’OIT qui garantissent le droit d’organisation et les droits syndicaux.

Les règles de fonctionnement propres aux fonctionnaires, figurant dans le Règlement de la fonction publique, ne mentionnent pas spécifiquement le droit de s’organiser et de créer un syndicat, mais le Code de conduite de tous les agents publics et employés du gouvernement de la République du Liberia oblige le gouvernement libérien à « accorder à tout employé(e) du gouvernement du Liberia le droit d’adhérer à un syndicat de son choix pour promouvoir et protéger ses intérêts économiques et sociaux conformes à la loi ».

Le refus du gouvernement libérien d’enregistrer des syndicats de la fonction publique relève clairement d’un choix politique, dans le but d’éviter la mise en place de tout dialogue social. Pendant l’atelier, lors de la discussion finale sur la planification, les syndicats participants ont décidé d’élaborer un engagement en faveur des droits syndicaux dans le secteur public, qui constituera une plate-forme de campagne pour nouer le dialogue avec les responsables politiques au cours de la période précédant des élections.

À peine deux semaines plus tard, un autre atelier important a été organisé à Monrovia, en collaboration cette fois avec Oxfam et Action Aid, sur le thème de la Justice fiscale, un problème prédominant qui concerne de multiples campagnes et pose des difficultés dans le pays. En raison de la privatisation de l’enseignement primaire au Liberia, l’ISP a déjà organisé deux ateliers sur les partenariats public-privé l’année dernière.

Comme le gouvernement libérien rejette toute action hostile à ses mesures en affirmant qu’« il n’y a pas d’alternative », les syndicats et les organisations de la société civile ont tenu à se familiariser avec les mécanismes possibles de financement des services publics. Daniel Oberko, spécialiste de la justice fiscale à l’ISP pour la région, a présenté les mécanismes utilisés par les entreprises pour éviter de payer des impôts et l’exercice auquel se livrent des pays comme le Liberia pour se présenter comme des paradis fiscaux, donc qui aident les entreprises à pratiquer l’évasion fiscale.

Il est clairement ressorti des exposés présentés par les différents groupes que le système fiscal du Liberia rencontrait des problèmes structurels, dans la mesure où il accorde des réductions d’impôt ou des exonérations des droits de douane aux entreprises étrangères, tout en taxant fortement ses propres citoyens : les jeunes entreprises locales ont du mal à survivre, et le budget de l’État ne profite pas des fonds considérables et indispensables qui permettraient d’offrir des services publics aux citoyens libériens. Toutes les organisations présentes ont décidé qu’il était primordial de rester unies sur cette question et de réfléchir à des actions communes pour faire changer les choses.

Le Liberia vit des moments palpitants ; à l’approche des élections, les responsables politiques sont un peu plus faciles à aborder et un peu plus ouverts à la discussion, et le groupe de syndicats et d’organisations de la société civile animés par le changement ne cesse de prendre de l’ampleur.

Par Wendy Verheyden, Coordinatrice régionale de l’ISP sur Ebola