Les syndicats réclament la justice fiscale à l’ONU

Les premières négociations de l'ONU sur une convention fiscale mondiale ont eu lieu à New York en août 2025, les syndicats insistant sur le fait qu'une fiscalité équitable est vitale pour financer l'emploi, les salaires et les services publics. L'ISP et la CSI ont établi des priorités pour taxer les multinationales là où elles opèrent, maintenir la résolution des litiges d'État à État et garantir une transparence totale. Les négociations se poursuivant jusqu'en 2027, les syndicats resteront actifs pour faire pression en faveur de réformes qui produisent des résultats concrets pour les travailleurs et les communautés.

Network of Unions for Tax Justice
Des négociations sont actuellement en cours aux Nations unies sur une convention-cadre de coopération fiscale internationale (CCFI). Ce processus marque un changement par rapport à des décennies d'élaboration de règles sous l'égide de l'OCDE, en offrant à tous les pays une place égale à la table des négociations. Les première et deuxième sessions de négociation, qui se sont tenues à New York du 4 au 15 août 2025, ont confirmé à la fois les enjeux et les opportunités pour les travailleurs. Parallèlement aux négociations, les syndicats ont également rencontré les négociateurs gouvernementaux à New York pour faire passer un message simple : une fiscalité équitable est essentielle pour financer l'emploi, les salaires et les services publics.
L'importance de la convention pour les travailleurs
Le système fiscal international actuel n'est pas assez solide pour empêcher les stratagèmes d'évasion fiscale agressifs, qui permettent à de puissantes multinationales de transférer leurs bénéfices dans des paradis fiscaux, même lorsque le travail et la valeur réelle sont créés ailleurs. Il en résulte une perte de revenus qui devraient servir à financer les hôpitaux, les écoles et la protection sociale. Les travailleurs en voient les effets au quotidien : moins d'infirmières, des classes surchargées, des soins de moins bonne qualité dans les services publics. Ces pratiques faussent également les finances des entreprises, réduisant l'innovation et l'investissement dans les branches et les lieux de travail où la valeur réelle est générée.
La convention représente une chance historique de remplacer ces règles brisées par des alternatives plus équitables.
Le rôle du mouvement syndical mondial à New York
Le 6 août, l'ISP, la CSI et le Network of Unions for Tax Justice (NUTJ) ont organisé une table ronde en marge des négociations. Des dirigeants syndicaux du Ghana, du Kenya, du Chili, du Honduras, de la Suède et des Etats-Unis ont rencontré des représentants de haut niveau de pays siégeant au Comité de négociation intergouvernemental (CNI), y compris le président du processus et les co-responsables de deux grands chantiers, ainsi qu'un représentant de la Commission européenne. L'échange a été franc et constructif, soulignant que la voix des travailleurs ne peut plus être mise de côté dans les débats sur la fiscalité mondiale.
Les syndicats ont défini trois priorités :
Taxer les multinationales là où l'activité économique a lieu, en allant au-delà des règles de prix de transfert qui ont échoué.
Maintenir la résolution des litiges uniquement entre États, en rejetant l'arbitrage investisseur-État qui sape la démocratie.
Garantir une transparence totale, y compris des rapports publics obligatoires pays par pays.

Les syndicats se sont également fait entendre lors des négociations de l'ONU. Représentant l'ISP, Simon Vinge, de l'Akademikerförbundet SSR, a pris la parole lors de la session de l'INC pour souligner que la véritable prévisibilité réside dans des services publics bien financés : de l'eau propre, des salaires décents, des hôpitaux en état de marche et des écoles pour tous. Il a exhorté les gouvernements à veiller à ce que la convention reconnaisse explicitement le rôle de la fiscalité dans le financement du développement durable à travers ses piliers économique, social et environnemental.
Où en sont les négociations ?
Pendant deux semaines à New York, des négociations ouvertes ont eu lieu entre les États membres des Nations unies, en présence de la société civile et des syndicats. Les discussions ont porté sur trois volets : la convention-cadre proprement dite, un premier protocole sur la taxation des services transfrontaliers dans l'économie numérique et des options pour le règlement des différends fiscaux. Si l'on tient compte des commentaires publics antérieurs sur les progrès réalisés à ce jour sur le site, les échanges ont fait apparaître à la fois des lignes de fracture et des domaines de consensus :
Un clivage central se situe entre, d'une part, l'OCDE et les gouvernements des pays du Nord, qui mettent l'accent sur la nécessité d'éviter la duplication des normes existantes et semblent réticents à remettre en question les règles en matière de prix de transfert, et, d'autre part, les syndicats et la société civile, ainsi que certains gouvernements des pays du Sud, qui appellent à des changements plus fondamentaux tels que l'adoption d'un système unitaire plus équitable qui impose les multinationales là où la valeur est créée et où l'emploi est créé.
En ce qui concerne les services transfrontaliers, les pays du Nord ont tendance à insister sur la présence physique comme condition d'imposition, tandis que de nombreux pays du Sud plaident pour des règles de présence économique significative (SEP) qui reflètent mieux l'économie numérique d'aujourd'hui. Pour les syndicats, la priorité est d'obtenir des règles de nexus qui garantissent que les entreprises sont imposées là où se trouvent leur activité économique réelle et leurs travailleurs.
En ce qui concerne le règlement des différends, plusieurs pays de l'OCDE ont fait part de leur volonté d'envisager un arbitrage contraignant entre les investisseurs privés et les États, une démarche vivement rejetée par les délégués du Sud et les syndicats, qui y voient une atteinte à la souveraineté et la création d'un système de justice parallèle non démocratique pour les entreprises.
Il existe toutefois un terrain d'entente sur l'élaboration de règles profitant à tous les pays (du Nord et du Sud), sur l'importance de la simplicité administrative (avec un soutien au renforcement des capacités) et sur la nécessité de clarifier la structure de gouvernance de la convention au fur et à mesure de l'avancement des négociations.
Pour les syndicats, le cœur du problème est structurel : il s'agit de dépasser ce système défaillant pour adopter une approche unitaire plus équitable, en traitant les multinationales comme des entités mondiales uniques et en les taxant là où la valeur et l'emploi sont créés. Dans notre soumission conjointe à l'ONU sur les notes thématiques, la CSI et l'ISP ont plaidé pour des règles simples et transparentes qui renforcent les droits d'imposition des pays en développement et fournissent des revenus prévisibles pour les services publics.
Prochaines étapes pour le monde du travail
La session d'août n'était qu'un début. Les négociations se poursuivront à Nairobi en novembre, avec trois sessions prévues par an jusqu'en 2027. Les syndicats resteront présents et s'engageront activement à chaque étape, en veillant à ce que les priorités des travailleurs ne soient pas mises de côté.
Comme l'a dit un dirigeant syndical lors de la table ronde, la perte de revenus signifie moins d'infirmières, moins d'écoles et des soins de moins bonne qualité. Les travaillistes continueront à défendre ce point de vue jusqu'à ce que la convention mette en place les réformes dont les travailleurs et les communautés ont besoin de toute urgence.