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Les syndicats défendent les soins pour les personnes âgées en Australie
Dans un rapport intitulé Who Cares (Qui s'en soucie), l'émission de télé populaire '4 Corners' a exposé des cas d'abus sur les personnes âgées et de négligence dans les maisons pour personnes âgées qui concernent tout le secteur. Cette émission est venue soutenir la Fédération australienne des infirmières et sages-femmes qui appelle à améliorer la dotation en personnel.
Au cours des 30 dernières années, les soins aux personnes âgées en Australie ont connu une mutation, passant d'un mélange d'établissements mixtes publics-institutions caritatives à une industrie de plus en plus privée, à but lucratif. Le secteur public a quasiment disparu dans la plupart des états. Les modifications du mécanisme de financement, qui prévoyait auparavant des fonds spécifiques à la dotation en personnel, couplées à la baisse du niveau de financement prévu par le gouvernement fédéral, ont entrainé une réduction des dotations en personnel qui ont atteint un niveau malsain, dans la mesure où les sociétés sont en quête de profit.
La veille de la diffusion de l'émission à la télévision, le gouvernement fédéral a annoncé qu'une Commission royale (RC) allait examiner le secteur des soins aux personnes âgées, tentant ainsi d'éviter les retombées politiques négatives. Bien que la Commission royale en Australie puisse demander à des témoins d'apporter des preuves et que des accusations pénales puissent être portées, les recommandations qu'elle émet n'ont pas de pouvoir exécutoire. L'annonce du gouvernement a été considérée comme précipitée puisque les faits évoqués étaient inconnus à ce moment-là.
D'un autre côté, l'annonce est également perçue comme une tactique destinée à gagner du temps. Les politiciens espèrent ainsi que la fièvre va retomber avant que la Commission ne parvienne à son terme dans 18 mois. Ceci conduit les syndicats à appeler à l'action maintenant et à ne pas attendre le résultat de la Commission sur les soins aux personnes âgées. Brett Holmes, Secrétaire général de la branche NSW de l'ANMF, a déclaré que la première étape devait consister à transposer les ratios en droit. « Nous ne pouvons pas attendre la conclusion d'une autre Commission royale qui donne encore du temps aux politiciens avant de rendre une décision », a-t-il souligné.
La branche du NSW de l'association australienne des infirmières et sages-femmes (ANMF) se bat pour que des ratios professionnels/résidents légaux soient appliqués aux soins pour personnes âgées. L'ANMF fédérale a commandité le Rapport sur le projet mixte de dotation en personnel et de compétences en 2016, qui a révélé que les heures de soins dispensées à chaque résident-e étaient inappropriées (2,84 heures par résident-e par jour au lieu des 4,18 préconisées.)
L'étude a édicté des recommandations concernant les compétences professionnelles à associer et le nombre d'heures minimum. Les syndicats d'infirmières demandent à ce qu'on légifère sur la question des heures préconisées et des mélanges de compétences.
Cela fait des années que cet appel n'est pas entendu par le gouvernement, ni par les employeurs dans les convention-cadres. Mais les exposés récents ont montré que des politiciens progressistes commençaient à affirmer leur soutien à l'approche de l'élection fédérale qui doit avoir lieu en mai 2019.
Le syndicat des services de santé (HSU) appelle à une augmentation du financement, qui devrait, d'après lui, améliorer la dotation en personnel et les salaires. La gouvernement fédéral a diminué de 2 milliards de $ le budget prévu pour les soins aux personnes âgées, décision qui a poussé les employeurs à réduire la dotation en personnel et à refuser des augmentations décentes de salaires, d'après le HSU. Gerard Hayes, Secrétaire général du syndicat des services de santé, a déclaré : « Il n'est pas acceptable pour nos travailleurs/euses de devoir attendre que les protections contre l'incontinence soient humides à 70 % avant de les changer, qu'ils n'aient droit qu'à une paire de gants par tranche horaire ou que seuls 6 $ soient réservés à l'alimentation d'un-e résident-e par jour. »
Ces deux campagnes, ajoutées aux révélations d'abus et de négligence, ont généré un fort soutien de la communauté en faveur d'une amélioration des soins aux personnes âgées, ainsi que d'une plus grande transparence de la part des prestataires de soins aux personnes âgées, pour s'assurer que tout budget supplémentaire sera bien injecté dans les soins aux résident-e-s. Cet appel à plus de transparence est soutenu par un rapport sur le réseau australien pour la justice fiscale (TJN), commandité par le bureau fédéral de l'ANMF.
Le rapport de Jason Ward, qui est désormais l'analyste principal du CICTAR (Centre for International Corporate Tax Accountability & Research - Centre pour la transparence et la recherche en matière de fiscalité internationale des entreprises) a exposé les pratiques de minimisation fiscale des principaux prestataires de soins aux personnes âgées à but lucratif en Australie. BUPA, l'un des poids-lourds internationaux du secteur, figure parmi les sociétés citées.
En Australie, les établissements de soins aux personnes âgées reçoivent des financements du gouvernement en fonction du niveau de soins dont chaque résident-e a besoin et ils peuvent bénéficier de versements supplémentaires au titre des services. Les prestataires demandent aussi aux familles de fournir des cautions. Elles sont si élevées que les familles se retrouvent dans l'obligation de vendre la maison familiale pour accéder aux soins. Ces cautions sont restituées aux familles, déduction faite de certains frais, et la société conserve les intérêts acquis sur ces montants. Cette pratique est qualifiée par certains de taxe forcée sur les décès privatisés.
Étant donné que 75 % de leurs revenus proviennent du gouvernement, on pourrait s'attendre à ce que les sociétés soient de bons citoyens fiscaux et fassent preuve de transparence dans leurs comptes financiers. Mais grâce à des structures complexes et au recours à des montages sous forme de trusts, leur fiscalité connait une réduction drastique. BUPA, étant donné sa structure, est le groupe dont les pratiques sont les moins transparentes parmi ceux cités dans le rapport.
Il s'agit aussi du plus gros, avec presque 7,5 milliards de $ de revenu total en Australie (2015-2016), alors qu'il n'a versé que 105 millions de $ de taxes sur un revenu imposable de seulement 352 millions de $.
- Les activités de soins aux personnes âgées assurées par BUPA ont représenté plus de 663 millions de $ en 2017, avec plus de 70 % de cette somme (468 millions de $) provenant de financements publics.
- Les sommes allouées par le gouvernement, ainsi que les cotisations des résident-e-s, ont augmenté en 2017, mais BUPA a versé presque 3 millions de $ de moins à ses employé-e-s et fournisseurs.
Tax Avoidance by For-Profit Aged Care Companies: Profit Shifting on Public Funds. Proposals for Transparency on Government Spending (2018) TJN. p. 5.
Le rapport du TJN a été accueilli avec inquiétude et a poussé le Sénat à commanditer une enquête sur les Pratiques financières et fiscales des prestataires de soins aux personnes âgées à but lucratif seulement deux jours après la publication du rapport, ce qui est sans doute un record en Australie. L'enquête révèle que BUPA fait partie des nombreux prestataires de soins aux personnes âgées auxquels s'intéresse le fisc australien. Les préconisations issues de ce rapport consistent à changer les lois australiennes sur la fiscalité, de façon à supprimer certains vides juridiques exploités par les groupes pour échapper à leur part fiscale équitable.
Le rapport, édité par un journal, a révélé les rémunérations à sept chiffres que touchent les PDG de groupes à but lucratif dispensant des soins aux personnes âgées. Les travailleurs/euses gagnant nettement moins, puisque certain-e-s figurent même parmi les travailleurs/euses les moins payés du pays, la communauté comprend bien le message qui est que les soins aux personnes âgées sont très profitables pour certain-e-s, mais que cette marge est réalisée au détriment des droits des résident-e-s et des travailleurs/euses.
Les syndicats indiquent clairement que les prestataires ont les moyens de payer des salaires décents et d'améliorer la dotation en personnel. Leurs membres restent actifs pour communiquer ce message aux communautés et aux politiciens.
Travailleurs/euses dans le secteur des soins aux personnes âgées en Australie faisant du lobbying pour que l'argent du contribuable aille aux résident-e-s sous forme de soins et non aux profits privés qui pratiquent l'évasion fiscale.