Les syndicats de la région MENA s’allient contre le RDIE

A cause des flux financiers illicites, une certaine somme d’argent quitte le continent africain. Et comme si ce n’était pas suffisant, le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE), inscrit dans les accords de commerce et d'investissement, est devenu le nouveau cancer des gouvernements de la région.

Daniel Bertossa, assistant secrétaire général de l'ISP, à la réunion de Casablanca, aux côtés de la députée marocaine Wafaa BelCadi (à gauche) et de la dirigeante UMT et coordinatrice locale de l'ISP Soumiya Mhadeb (à droite).

A cause des flux financiers illicites, une certaine somme d’argent quitte le continent africain. Et comme si ce n’était pas suffisant, le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE), inscrit dans les accords de commerce et d'investissement, est devenu le nouveau cancer des gouvernements de la région.

Selon ce mécanisme, les entreprises multinationales ont le droit de poursuivre l’Etat en justice si ses initiatives politiques représentent une menace pour leurs bénéfices ou un risque pour leurs investissements. Sont comprises parmi ces politiques l’augmentation des salaires, la protection de la santé publique, la protection de l'environnement, la remunicipalisation ou les réformes fiscales. Elles peuvent introduire une procédure de RDIE soit devant les tribunaux internationaux, généralement situés à Washington, soit devant la Banque mondiale, sans avoir recours aux institutions juridiques nationales des Etats. Dans ces tribunaux, des avocat-e-s privés jouent le rôle d'arbitre et les Etats risquent de se voir infliger des sanctions au profit des multinationales et de supporter les frais de justice.

Une réunion organisée en partenariat avec la FES[1] s’est tenue du 1 au 3 octobre 2019 à Casablanca au Maroc. 37 participant-e-s, membres des affiliés de l'ISP et des organisations de la société civile d'Afrique et de la région MENA, se sont rassemblés afin d'exiger la suppression du RDIE des accords de commerce et d’investissement ainsi que la suspension du tribunal multilatéral des investissements (proposition de réforme de l’UE pour le RDIE) dans le processus CNUDCI.

Les participant-e-s ont également apporté leur soutien aux travailleurs et travailleuses membres de l'UMT, un des affiliés de l'ISP, en grève à l’aéroport de Casablanca. Ils-elles ont condamné l’emprisonnement de cinq responsables syndicaux et ont exhorté les gouvernements à les libérer et régler ce différend.

« Ces travailleurs et travailleuses effectuent des tâches difficiles dans des conditions pénibles. Ils veulent uniquement profiter des fruits de leur travail et être traités avec dignité. Personne ne devrait être emprisonné pour avoir tout simplement exercé son droit de grève. », a déclaré Daniel Bertossa, Secrétaire général adjoint du ISP.

En moyenne, les frais juridiques pour une affaire de RDIE s’élèvent 4,9 millions de dollars américains pour les Etats. Entre 2013 et 2018, on a constaté une augmentation sans précédent des réclamations contre les pays africains. Vingt-huit d’entre eux ont été poursuivis par des investisseurs devant les tribunaux d’arbitrage internationaux. Le montant total des réclamations introduites depuis 1993 atteint près de 55,5 milliards de dollars américains. L’Egypte détient le record de la plus grosse somme jamais payée par un pays africain pour un recours introduit par un seul investisseur : 2 milliards de dollars ont été versés à Veolia[2].

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Peters Adeyemi at the opening of a meeting held in Casablanca (Morocco) on 1-3 October. PSI affiliates and Civil Society Organizations in Africa and the MENA region call for a complete eradication of ISDS in investment and trade agreements, and a discontinuation of the Multilateral Investment Court (a reform proposal of the EU, to the ISDS) in the UNCITRAL Process.

Peters Adeyemi, PSI Vice President, Nigeria

Daniel Oberko,Daniel Oberko, Coordinateur Justice Fiscale de l'ISP, prend la parole lors de la réunion à Casablanca
Daniel Oberko,Daniel Oberko, Coordinateur Justice Fiscale de l'ISP, prend la parole lors de la réunion à Casablanca

Par crainte d’être poursuivis en justice par les investisseurs, majoritairement européens, les pays ont étouffé dans l'oeuf les politiques nécessaires pour fournir des services de qualité à ses citoyen-ne-s, augmenter les salaires des travailleurs et travailleuses, améliorer les conditions climatiques et environnementales ainsi qu’une les moyens de subsistance de leur citoyen-ne-s.

Certains pays ont pris conscience de cette menace : la Tanzanie, par exemple, qui a mis fin au Traité bilatéral avec les Pays-Bas à cause du mécanisme de RDIE, ou encore l’Afrique du Sud, qui a cessé ses dix traités bilatéraux d'investissement pour la même raison.


[1] Cette réunion a été organisée en partenariat avec l'association Friends of the Earth (FES) et le Transnational Institute (TNI)

[2] Veolia a signé un contrat d’investissement avec la Egyptian Electricity Holding Company en vue d’élaborer des plans pour l'approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées.

Pour plus d'informations, consulter le document de référence de l'ISP "Vue d'ensemble sue le commerce international et l'Afrique":