Les effets de la COVID19 sur les professionnel-le-s de la santé ne connaissent pas de frontières

Le Groupe de travail de l'ISP sur la santé et les services sociaux s'est réuni le 11 mai, sur une plateforme virtuelle. 150 représentant-e-s des affiliés de l'ISP dans le domaine de la santé de toutes les régions de l'ISP ont participé à la réunion.

La réunion a été organisée pour mettre en place une action collective face à la pandémie COVID-19 et élaborer une stratégie sur la manière dont les demandes des travailleurs/euses de la santé pourraient définir les suites de l'état d'urgence.

Le personnel de santé du monde entier a été submergé par le nombre de patient-e-s atteints par la COVID-19 nécessitant des soins intensifs. La capacité des systèmes de santé publique à se préparer à une telle urgence a été rendue difficile par des années de sous-financement chronique et de manque de personnel, ce qui a entraîné une charge énorme pour les travailleurs/euses de la santé en première ligne de la réponse à la COVID-19. Le nombre de cas confirmés dans le monde approche les 5 millions, mais la plupart des commentateurs s'accordent à dire que le chiffre réel est sans doute beaucoup plus élevé. Plus de 300 000 personnes sont déjà mortes de la COVID-19. Peu de rapports font état du nombre de travailleurs/euses de la santé qui ont été touchés. Le chiffre de 40 000 cas est une grosière sous-représentation du nombre probable de ces travailleurs/euses.

Baba Aye, responsable de la santé et des services sociaux à l'ISP, a présenté la note conceptuelle de l'ISP "La santé publique, une fois pour toutes", qui donne un aperçu de l'évolution de la campagne de réponse de l'ISP face à la COVID-19.

Le personnel de santé des hôpitaux du monde entier a fait état d'expériences similaires concernant le manque d'EPI, les instructions contradictoires sur l'utilisation des EPI, l'épuisement professionnel, la fatigue et les abus de la part de certaines personnes.

L'Australie a dû adopter une nouvelle législation pour protéger les infirmiers/ères contre les abus, notamment les crachats, tandis qu'en Inde, un-e infirmier/ère diplômé doit s'occuper de 60 patient-e-s au maximum. Partout, le personnel hospitalier est surchargé et la réaction des gouvernements face à la pandémie a, à quelques exceptions près, été retardée et inadéquate. Les syndicats ont mis les gouvernements face à leurs responsabilités, en soulignant leurs erreurs et leurs insuffisances.

Comme l'a dit Carolina Espinoza, de CONFUSAM au Chili, les gouvernements présentent le faux choix de protéger la vie ou l'économie, alors que nous avons besoin d'une économie qui place la vie, et pas seulement le profit, au premier plan.

En France, les syndicats représentant le personnel de santé luttent depuis des années pour des salaires et des conditions de travail décents. Ce n'est que maintenant que leur travail a pris le devant de la scène en raison de la pandémie que le gouvernement a commencé à écouter leurs revendications.

Les personnes noires et les minorités ethniques sont plus susceptibles de mourir de la COVID-19. Un-e infirmier/ère sur huit dans les pays d'accueil est un-e migrant-e et beaucoup de ceux/celles qui ont été touchés ou sont morts sont des travailleurs/euses migrants, et surtout des femmes.

Nawfel Ghozlane, de la Fédération générale de la Santé, Tunisie, a déclaré que dans son pays, il y avait eu 1032 cas et 47 décès. Les travailleurs/euses de la santé représentent 143 cas, principalement en raison du manque d'EPI. Les syndicats exercent une forte pression sur le ministère de la Santé pour qu'il corrige la situation. Ils peuvent obtenir des EPI auprès des fabricants locaux et les hôpitaux ont des règles de désinfection strictes pour mieux protéger le personnel.

Soon-ja Na, président du Korean Health Workers Union (Syndicat coréen des travailleurs/euses de la santé), a déclaré que même si la Corée est considérée comme un cas de référence, il y a encore des problèmes et des lacunes dans le système de santé. Le syndicat a donc exhorté le gouvernement à améliorer et à renforcer le système de santé publique.

Marcelo Netto, responsable de la communication à l'ISP, a présenté les résultats de l'enquête de l'ISP.

Les États-Unis ont le plus grand nombre de cas de COVID-19 dans le monde. Ken Zinn, du National Nurses United (syndicat des infirmiers/ères), a déclaré que sur les 80 000 personnes touchées, 20 % sont des professionnel-le-s de la santé. Il a critiqué les directives du Centre américain de contrôle des maladies (CDC) qui sont basées sur l'inventaire, et non sur la science. Le gouvernement continue de revoir à la baisse les recommandations et affirme que les masques chirurgicaux offrent une protection suffisante, au lieu des respirateurs. Dans certains cas, en l'absence d'EPI suffisant, les travailleurs/euses de la santé se sont vus dire de porter des bandanas et des foulards au lieu de masques faciaux.

Christiane Wiskow, spécialiste principale des services de santé à l'Organisation internationale du Travail, a présenté la réponse de l'OIT face à la pandémie et a fourni une liste de ressources sur la COVID-19. L'OIT travaille en étroite collaboration avec l'Organisation mondiale de la Santé sur cette question. L'OMS était représentée à la réunion par Catherine Kane, membre du personnel de santé de l'OMS, qui a déclaré que le niveau de violence à l'encontre des travailleurs/euses avait augmenté pendant la pandémie. L'OMS a demandé aux gouvernements d'appliquer une tolérance zéro face à la violence, et appelle à un soutien social et au respect des travailleurs/euses de la santé. Catherine a également évoqué le risque pour la santé mentale, mais aussi la fatigue et la détresse psychologique qui affectent les travailleurs/euses de la santé.

Kate Lappin, secrétaire régionale de l'ISP pour l'Asie-Pacifique, a présenté le manifeste de l'ISP "Pas de retour en arrière !" pour la Journée internationale des infirmières le 12 mai, qui compte déjà près de 700 signataires. Le manifeste demande aux gouvernements de reconnaître les principes fondamentaux suivants :

  • L'objectif le plus important du gouvernement est d'organiser la société de manière à ce que chacun-e puisse être pris en charge.

  • Nous ne pouvons plus tolérer la pratique perverse qui consiste à tirer des profits d'une mauvaise santé.

  • Les soins de santé ne doivent jamais dépendre de la capacité de payer.

Avant de clôturer la réunion, Rosa Pavanelli a présenté le document de l'ISP sur la politique et les perspectives. Elle a déclaré que la crise a montré la faiblesse de la chaîne de valeur mondiale et que certains biens essentiels nécessaires pour faire face aux situations d'urgence devraient être fabriqués localement pour éviter ce genre de crise. Il y a une question plus large de macroéconomie sur laquelle doit se pencher l'ISP à l'avenir, en collaboration avec les institutions financières internationales, l'UE et les gouvernements nationaux. Nous devons nous pencher sur le rôle des gouvernements et des investissements publics dans le secteur de la santé publique, et sur les politiques industrielles durables qui seront bénéfiques pour notre environnement et notre communauté.