9 décembre - Journée mondiale de lutte contre la corruption La corruption à l'origine de la crise climatique
À l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre la corruption, l'ISP rappelle que les lanceurs d'alerte jouent également un rôle essentiel dans la crise climatique pour façonner les politiques, divulguer les méfaits des fonctionnaires et démasquer les pratiques des entreprises.
Camilo Rubiano
Des milliards ont été dépensés pour la relance du COVID, dont des millions incalculables ont été versés à des entreprises qui se sont empressées de cacher l'argent dans des paradis fiscaux. Pourtant, les 100 milliards de dollars par an promis par les pays riches pour le climat ne se sont pas matérialisés. Et durant la pandémie, les entreprises technologiques ont gonflé leurs fortunes sans garantir un accès numérique équitable ou une protection suffisante des données. Par ailleurs, les budgets militaires continuent d'augmenter, sans tenir compte des conséquences plus larges.
Alors que nous tentons de relever les défis systémiques auxquels est confrontée toute vie sur la planète, nous constatons que le même réseau de méga-corporations, d'avocats et de lobbyistes et les gouvernements à leur solde sont déterminés à perpétuer le profit avant tout.
En 1912, des publications scientifiques et des reportages mettaient en garde contre les effets dévastateurs de la combustion du charbon sur le changement climatique. Les grandes compagnies pétrolières connaissent depuis 1959 les effets dévastateurs potentiels de leurs produits. Elles ont depuis, collectivement, dépensé des milliards pour nier la science du climat et reporter les politiques climatiques. En fait, elles ont utilisé certaines des mêmes agences que celles utilisées par les compagnies de tabac pour nier les dangers de leurs produits.
En 2021, nous sommes loin de parvenir à limiter le réchauffement de la planète à "moins de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels'', comme convenu dans l'accord de Paris sur le climat de 2015. Au contraire, nous nous rapprochons de points de rupture majeurs du système climatique qui auront des conséquences dévastatrices.
Un exemple clair et révélateur de ces pratiques est que l'industrie des combustibles fossiles (503 personnes) représentait la plus grande délégation à la COP 26.
Le sommet sur le climat de la COP 26, qui s'est tenu à Glasgow en novembre dernier, n'a pas apporté un véritable changement, puisque les engagements pris en faveur de divers efforts de réduction et d'adaptation sont restés en deçà de ce qui serait nécessaire pour faire face à la crise climatique.
Il existe plusieurs explications à ce manque d'action, mais la plus importante est la corruption sous ses nombreuses formes : pots-de-vin, lobbying, copinage, népotisme, patronage, trafic d'influence, détournement de fonds, portes tournantes. Un exemple clair et révélateur de ces pratiques est le fait que l'industrie des combustibles fossiles (503 personnes) représentait la plus grande délégation à la COP 26 - dont beaucoup étaient camouflé.e.s parmi les représentant.e.s des 27 délégations nationales officielles.
Comme l'ont déjà affirmé de nombreuses instances - l'OCDE, le Conseil de l'Europe, le Parlement européen -, les lanceurs d'alerte sont essentiels dans la lutte contre la corruption. Dans la crise climatique, les lanceurs d'alerte jouent également un rôle central dans l'élaboration des politiques, la divulgation des actes répréhensibles des fonctionnaires et le démantèlement des pratiques des entreprises. Pourtant, comme dans tant d'histoires de catastrophes dans les secteurs public et privé, quelqu'un, quelque part sur le lieu de travail ou dans l'organisation, sait que quelque chose ne va pas mais n'est pas entendu. Dans de nombreux cas, des dispositions et une législation efficaces en matière de dénonciation font clairement défaut, ce qui entraîne des représailles, des licenciements, des emprisonnements et même la mort de ceux qui dénoncent.
L'ISP s'efforce de faire en sorte que les droits et la protection des lanceurs d'alerte soient accordés à tous les travailleurs.euses qui révèlent des actes répréhensibles. Nous voulons que les travailleurs.euses de tous les secteurs soient conscient.e.s des protections disponibles pour ceux et celles qui dénoncent les atteintes à l'environnement et la corruption en général, et nous voulons que les employeurs des secteurs public et privé mettent en place des canaux efficaces pour faire part de leurs préoccupations.
Les activistes, les journalistes, les scientifiques, les syndicalistes et les lanceurs d'alerte sont réduits au silence depuis bien trop longtemps. Il est temps d'écouter et d'agir avant qu'il ne soit trop tard. Nous avons besoin de protections plus efficaces et cohérentes sur le lieu de travail dans le monde entier, afin que les lanceurs d'alerte et les travailleurs.euses en général se sentent en mesure de se manifester et de s'exprimer. Notre avenir en dépend.