ILC : Les soins reconnus comme responsabilité de l'État grâce à l’ISP : l’alliance mondiale des syndicats s’oppose aux PPP

Après des semaines de négociations, la Discussion générale de la Conférence internationale du Travail sur le Travail décent et l'Économie des Soins est parvenue à ses conclusions.

Le document de conclusion reconnaît la responsabilité première de l'État dans la fourniture de services de soins et reconnaît que le travail de soins n'est pas une marchandise : une victoire importante pour l'ISP et le mouvement syndical mondial dans son ensemble, qui s'est uni autour de ces demandes.

Cependant, le document de synthèse promeut également les partenariats public-privé, qui sapent systématiquement la fourniture de services publics de qualité dans le monde entier.

Au cours de la discussion générale, l’alliance mondiale des syndicats s'est ralliée aux positions de l'ISP sur les principes clés suivants :

  1. Les soins sont un droit humain.

  2. Les soins sont un bien public.

  3. La marchandisation des soins conduit à la privatisation des services où le profit passe avant le travailleur.euses, l'usager.e et le bien-être de la société en général.

  4. Les travailleurs.euses migrant.e.s et les prestataires de soins informel.le.s, tels que les agents de santé communautaires et les travailleurs.euses domestiques, ont droit à un travail décent et à l'accès à la protection sociale.

Nos affiliés ont fait part de leur expérience de la crise du secteur des soins qui existait bien avant la pandémie. Ils ont expliqué comment l'expansion des services de soins privés conduira à une exploitation accrue des travailleurs.euses et à des résultats médiocres pour les utilisateurs.trices des services.

Nous avons obtenu des résultats clés sur la garantie d'un travail décent pour les travailleurs.euses, tels que l'accès à la négociation collective, la liberté d'association, l'élimination de la discrimination et la santé et la sécurité au travail.

Nous avons obtenu l'inclusion du fait que l'État est le principal fournisseur de services de soins et la nécessité d'un cadre politique et réglementaire solide.

Cependant, alors que l'OIT prépare un Plan d'Action pour la mise en œuvre des conclusions de la Discussion générale, les travailleurs.euses et les syndicats du monde entier doivent rester forts et unis pour s'opposer aux fausses promesses des partenariats public-privé (PPP).

La marchandisation des soins n'est pas la solution à la crise des soins, elle en est la cause.

Les gouvernements à court d'argent sont souvent amenés à croire que les partenariats public-privé pourraient être un moyen rentable de fournir les services de soins dont ils sont responsables. Pourtant, partout dans le monde et dans tous les secteurs, les PPP et les privatisations n'ont jamais tenu leurs promesses, ont fait passer le profit avant les personnes et ont coûté aux États plus que ce qu'ils auraient dépensé en fournissant directement ces services.

Une étude récente de l'Université d'Oxford (Lancet)(EN) a montré que les hôpitaux privatisés fournissent généralement des soins de moins bonne qualité et des taux de mortalité plus élevés après avoir quitté le giron public, et que des profits plus importants ont été réalisés en réduisant le nombre d'employé.e.s. Une analyse internationale des projets PPP réalisée par Eurodad a révélé que 90% des PPP manquaient de transparence et/ou n'avaient pas consulté les communautés concernées, et qu'ils compromettaient la responsabilité démocratique.

Rien ne permet d'affirmer que l'augmentation du nombre de PPP dans le secteur des soins entraînerait des résultats positifs pour les travailleurs.euses et les utilisateurs.trices de services.

Ceux qui bénéficieront réellement de la promotion des PPP sont les mêmes entreprises qui se sont révélées privilégier systématiquement la recherche du profit au détriment de la qualité des soins. C'est le cas en France, où le groupe de maisons de retraite Orpea a été accusé de tirer profit d'une série de pratiques abusives, notamment le manque systématique de personnel et le rationnement de la nourriture et des produits de santé pour les résident.e.s âgé.e.s. Ce n'est pas avec ce genre d'acteurs que l'OIT ou un gouvernement devrait promouvoir des partenariats.

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PPPs have no place in Care!

Alors que les services de soins sont très majoritairement fournis par des femmes, c'est un petit groupe d'investisseurs ultra-riches (essentiellement des hommes) qui réalisent d'importants profits grâce à leur travail. Forrest Preston, propriétaire de Life Care Centers of America, en est un exemple : il a tiré plus d'un milliard de dollars de ses maisons de soins. Pour qu'un.e travailleur.euse américain.e moyen.ne gagne autant, il faudrait qu'il.elle travaille pendant 33 000 ans.

Par ailleurs, les recherches menées par CICTAR(EN) montrent que de nombreuses entreprises qui prétendent que le financement privé est nécessaire pour financer les services de soins pratiquent l'évasion fiscale, ce qui nous prive du financement nécessaire pour renforcer les systèmes de soins publics. Les paradis fiscaux coûtent actuellement à nos gouvernements plus de 500 milliards de dollars par an en pertes de recettes fiscales, soit plus de 15 fois les dépenses mondiales actuelles des gouvernements en matière de soins aux personnes âgées.

Comme le déclare Phillip Alston, Rapporteur spécial des Nations unies sur l'extrême pauvreté, "le recours de plus en plus fréquent au secteur privé pour vaincre la pauvreté dans le monde, que ce soit par le biais de PPP ou de la philanthropie, est une voie sans issue. Cette tendance représente une abdication de responsabilité de la part des gouvernements et des organisations internationales".

Nous sommes heureux que l'OIT ait reconnu que le travail dans l'économie des soins - comme le travail partout ailleurs - n'est pas une marchandise. Mais nous ne devons pas approuver l'abdication des soins en tant que responsabilité publique. Comme indiqué dans les résultats de la Discussion générale, nous devons continuer à nous battre pour que l'État soit le principal fournisseur de services de soins afin de garantir des soins de qualité et un travail décent à tous les travailleurs.euses.

La nature sociale des soins signifie qu'ils ne doivent pas être transformés en marchandises, commercialisés et conçus pour générer des profits pour quelques riches aux dépens du reste d'entre nous.

L'ISP appelle le mouvement syndical international à s'opposer plus fermement que jamais à la marchandisation des soins, notamment par le biais des PPP. Nous renforcerons nos alliances mondiales avec les mouvements féministes, des droits humains et de la justice économique afin de lutter pour reconstruire l'organisation sociale des soins à la personne comme l'un des piliers de la justice sociale, y compris la justice en matière de genres et le travail décent.

Les soins sont un bien public. Il est temps de les traiter comme tels.

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