Pandémie En plus des travailleurs/euses de la santé, des millions d'autres ont besoin de meilleures conditions pour combattre le Covid-19
Alors que le monde est balayé par la crise sanitaire mondiale du COVID19 , des millions de travailleurs/euses des services publics - principalement des employé/es des administrations locales et régionales - sont en première ligne de l'urgence, mettant leur vie en danger pour assurer notre sécurité
Daria Cibrario
Alors que le monde est balayé par la crise sanitaire mondiale du COVID19, des millions de travailleurs/euses des services publics - pour la plupart des employé/es des administrations locales et régionales - sont en première ligne de l'urgence, mettant leur vie en danger pour assurer notre sécurité.
Les travailleurs/euses de la santé (médecins, infirmièr/es, sages-femmes, technicien/nes de laboratoire, concierges, employé/es de cantines d'hôpitaux et bien d'autres) portent le poids de ce terrible combat et sont exposé/es à la contamination, à l'épuisement professionnel et aux dommages psychologiques.
Nous devons également reconnaître les nombreux autres professionnels du service public qui continuent sans relâche de fournir des services publics essentiels pour garantir que les hôpitaux soient fonctionnels et disposent des fournitures nécessaires pour soigner les patient/es, et que les gens puissent être en sécurité.
Le service continu fourni par les travailleurs/euses du secteur de l'eau et de l'énergie permet aux gens de se laver, de boire et de cuisiner ; de chauffer les maisons, de travailler à distance et de rester en contact avec leurs proches lorsqu'ils/elles sont confiné/es. Les électriciens italiens ont l'obligation légale de rétablir le service en cas de coupure de courant dans les foyers ou les quartiers. En ces temps difficiles, les équipements de protection individuelle (EPI) tels que les masques, les gants, les casques en plexiglas et les combinaisons jetables sont rares et doivent être utilisés avec parcimonie. Certains travailleurs/euses ne peuvent plus utiliser les transports publics pour se rendre sur leur lieu de travail et leur employeur doit leur fournir des véhicules.
Les travailleurs/euses du secteur des déchets et de l'assainissement - qui courent déjà un grand risque de contamination et de maladie en temps normal - s'exposent encore plus à l'heure actuelle afin d'assurer que les déchets médicaux et ménagers contaminés sont éliminés en toute sécurité, tout en désinfectant les espaces publics. Dans les circonstances actuelles, les municipalités doivent prendre des mesures supplémentaires en matière de SST et fournir des EPI appropriés aux travailleurs/euses du secteur des déchets, notamment en adaptant la fréquence et les parcours de ramassage afin de réduire les risques de contamination. À Hamilton (Canada), le CUPE5167 et les autorités locales ont convenu de veiller à ce que les éboueurs aient accès à des lingettes, du désinfectant et des EPI supplémentaires, ainsi qu'aux toilettes sur le parcours de ramassage, une préoccupation majeure suite à la fermeture des entreprises et des restaurants. La ville a également suspendu la collecte des feuilles et des résidus de jardin afin de garantir des règles de distanciation sociale, et exhorte les résident/es à mettre les mouchoirs en papier dans des sacs poubelles fermés au lieu des poubelles de recyclage afin de limiter l'exposition des travailleurs/euses.
Alors que le nombre de décès augmente de façon spectaculaire, les services funéraires municipaux ont la difficile tâche d'enterrer ou d'incinérer les morts avec dignité et d'accompagner les familles dans leur deuil, tout en protégeant la population contre la contagion. Le maire de Madrid a temporairement suspendu les services de récupération et scellage des cercueils des victimes du COVID par l’entreprise municipale, en raison du manque d'EPI pour le personnel, et a lancé un appel urgent au soutien du gouvernement. Tout en continuant à assurer la prise en charge des cadavres, l’entreprise municipale s'en remet désormais à des entreprises privées pour la récupération et la mise sous scellés. Dans les pays les plus touchés, dont l'Italie, la France et la Suisse, l'armée est désormais mobilisée pour soutenir les enterrements.
Les pompier/ères, les ambulancier/ères et les intervenant/es d'urgence sont souvent les premier/ères à prendre en charge les patients malades dans un état critique et à les transférer dans les hôpitaux. Bien qu'ils/elles soient habitué/es à gérer les urgences, les incendies et les catastrophes, leur propre équipement EPI n'est pas nécessairement adapté pour les protéger contre les pandémies.
Les services sociaux, les soins à domicile et les services de soins aux personnes handicapées jouent un rôle essentiel en soutenant les plus vulnérables en ces temps difficiles, en brisant l'isolement des personnes âgées et en s'attaquant aux problèmes spécifiques des personnes handicapées à la suite de la pandémie. En Italie, l'un des pays où la population âgée est la plus élevée au monde, les quelque 200 000 employés des services sociaux et de soins à domicile ne suffisent pas, manquent largement d'EPP et sont au bord de l'épuisement. Les syndicats italiens demandent aux autorités publiques d'augmenter les effectifs et d'assurer le plus haut niveau de sécurité afin de protéger les usagers et les travailleurs des services. Les syndicats australiens des services publics appellent leur gouvernement central et locaux à agir de manière cohérente pour garantir un niveau de personnel adéquat, des EPI et une formation permettant de retenir les travailleurs/euses des services pour handicapés, qui sont déjà en nombre insuffisant.
Alors que des millions de travailleurs/euses perdent leur emploi et risquent l'expulsion forcée pour cause d'arriérés de loyer, les travailleurs/euses des services de logement social sont appelé/es à apporter leur aide, en plus du soutien régulier qu'ils doivent apporter aux familles, aux sans-abri et aux autres personnes en situation précaire, notamment les migrant/es et les réfugié/es. Les dommages causés par la spéculation immobilière non réglementée, la vente de logements publics et les coupes dans les services de logement au cours des dernières années deviennent pleinement visibles dans cette crise. Rien qu'en Angleterre, le nombre de familles vivant dans des logements temporaires a augmenté de près d'un tiers au cours des cinq dernières années, atteignant 62 280 familles, dont 5 400 avec des installations communes. La situation est particulièrement critique aujourd’hui ; pour combattre efficacement le COVID-19, tout le monde doit être en mesure de respecter les règles de confinement.
Alors que les pays adoptent progressivement des ordonnances de confinement, la police municipale contrôle les espaces publics pour s'assurer que les règles de distanciation sociale sont appliquées en éduquant la population et en dispersant les groupes. Lors de leurs interventions, les policier/ères municipaux/ales peuvent se trouver en contact étroit avec des personnes qui ne respectent pas toujours les règles de distanciation sociale.
La pénurie d'équipements médicaux vitaux tels que les masques, les gants, les appareils respiratoires pour les soins intensifs et de nombreux autres biens essentiels rend le travail des employé/es de l'aéroport primordial, car ils assurent la livraison sûre et rapide des biens commerciaux essentiels et permettent de contenir davantage la contagion.
Alors que les travailleurs/euses des services publics vitaux sont en première ligne dans la lutte contre le COVID 19 et que les écoles sont fermées, de nombreux travailleurs/euses des garderies et crèches sont appelés à assurer un service minimum essentiel pour leurs collègues.
L'arrêt de l'économie met de nombreux travailleurs/euses au chômage et des entreprises au bord de la faillite. Dans ce contexte dramatique, alors que des lois d'urgence sur l'aide au revenu sont adoptées, les travailleurs/euses de l'administration publique travaillant dans des services tels que le chômage et les prestations sociales travaillent 24 heures sur 24.
Les prisons sont un environnement à haut risque pour la propagation du virus et les employé/es des services pénitentiaires sont menacé/es. Des pays tels que l'Espagne, l'Iran et les États-Unis ont libéré des prisonnier/ères à faible risque afin de réduire le risque de transmission ou ont suspendu temporairement les détentions de courte durée pour des infractions mineures. Dans une prison du Pays de Galles, on estime qu'actuellement 75 agents sont en arrêt maladie ou en en isolement.
L'ISP exhorte les autorités gouvernementales nationales, locales et régionales à écouter les travailleurs/euses des services publics et leurs syndicats lorsqu'ils/elles expriment leurs besoins légitimes.
Tout comme ceux/celles de la santé, les travailleurs/euses de première ligne du service public, dont dépend en grande partie l'issue de la lutte acharnée contre le COVID-19 et la survie de l'économie et de la civilisation, font face à des pénuries dramatiques de personnel, un manque de ressources et d'EPI pour faire correctement leur travail tout en assurant la sécurité de la population, d'eux/elles-mêmes et de leurs familles.
Dans ces circonstances extrêmement difficiles, il est plus que jamais fondamental d'écouter les travailleurs/euses des services publics locaux et de s'engager avec leurs syndicats pour vaincre la pandémie COVID 19.
L'ISP exhorte les autorités gouvernementales nationales, locales et régionales à écouter les travailleurs/euses des services publics et leurs syndicats lorsqu'ils/elles expriment leurs besoins légitimes de garantir des services continus, efficaces et sûrs pour tous/tes en cette période de crise sans précédent.
L'ISP les invite à consulter la note conceptuelle de l'ISP sur la réponse au COVID 19 et en particulier à:
Entamer le dialogue avec les syndicats des services publics pour trouver des solutions communes afin de garantir les normes de sécurité les plus élevées pour les travailleurs/euses et les usagers des services publics, tout en maintenant la continuité des services vitaux.
Les employeurs des services publics doivent impliquer activement les syndicats des services publics dans le processus de décision afin de déterminer les mesures nécessaires pour préserver la sécurité et la santé au travail et fournir des informations transparentes et opportunes aux travailleurs/euses et à leurs syndicats sur le nombre et la localisation des infections et les informations les plus récentes sur la maladie.
La crise du COVID ne doit pas être utilisée par les employeurs pour:
faire venir des travailleurs/euses temporaires non syndiqué/es pour faire pression sur les travailleurs/euses exerçant leur droit de retrait du travail en cas de danger imminent et dans des conditions dangereuses;
contourner les négociations collectives en cours et les régimes de relations de travail en raison de circonstances exceptionnelles;
assouplir le droit du travail et se retirer des conventions collectives.
Respecter les normes les plus élevées en matière de santé et de sécurité au travail (SST), propres à chaque profession du service public et fournir un EPI adéquat à tous/tes
Les autorités nationales, régionales et locales doivent veiller de manière cohérente à ce que les travailleurs/euses de première ligne des services publics se voient garantir les normes les plus élevées en matière de santé et de sécurité au travail et l'équipement de protection individuelle (EPI) adapté aux risques spécifiques encourus par leur profession.
En particulier, tous les employeurs du service public doivent:
respecter toutes les obligations détaillées dans les conventions 155, 187 et 161 de l'OIT ainsi que dans les recommandations 194, 197 et 171 de l'OIT et dans le protocole à la convention 155, et veiller à ce que tous les employeurs les appliquent strictement;
adopter et mettre en œuvre les directives révisées de l'OIT sur le travail décent dans les services publics d'urgence en tant que politique nationale, afin de protéger de manière adéquate les travailleurs/euses en première ligne de la lutte contre les coronavirus;
fournir des tests médicaux gratuits aux travailleurs/euses et un traitement aux travailleurs/euses infecté/es;
fournir un équipement de protection individuelle (EPI) complet à tout travailleur/euse susceptible d'entrer en contact avec des personnes infectées ou à toute personne venant d'une zone infectée et fournir un EPI adéquat à tous les travailleurs/euses travaillant dans des zones publiques ou très fréquentées;
respecter le droit des travailleurs/euses de choisir de ne pas travailler lorsque leur sécurité et leur santé peuvent être menacées ou lorsque les travailleurs/euses ou leur famille ont des problèmes de santé sous-jacents qui pourraient être aggravés par le virus.
Les professionnels qui sont particulièrement exposés - notamment les travailleurs/euses du secteur des déchets, les pompier/ères, travailleurs/euses des services d'urgence et des services funéraires, ainsi que la police municipale - doivent avoir accès à ces services:
des locaux adéquats et aseptisés, des vestiaires et des toilettes qui permettent le respect d'une distance sociale sûre;
à la désinfection régulière des équipements de travail essentiels;
la possibilité de laisser leurs uniformes sur place et l'accès à un service de blanchisserie professionnel afin qu'ils soient correctement lavés et/ou éliminés.
Assurer des niveaux de dotation en personnel, une formation et un maintien en poste adéquats dans les services
Les services vitaux souffrent d'une grave pénurie de personnel et de ressources et ont besoin de recrutement, de formation et de conditions de travail décentes pour assurer la continuité du service..
Libérer ou redéployer le personnel non essentiel de la fonction publique
De nombreux travailleurs/euses dans les zones de service public non essentielles ne sont pas autorisé/es à se confiner et sont tenu/es de se présenter au travail en s'exposant eux/elles-mêmes, ainsi que la population et leur famille, à la contamination. Dans ces circonstances, seuls les effectifs vitaux doivent être maintenus et renforcés, tandis qu'en cas de menace grave et imminente de contagion, les travailleurs/euses doivent avoir la possibilité de se retirer du travail, conformément aux conventions de l'OIT sur la sécurité et la santé au travail. Le redéploiement doit être consensuel et s'accompagner d'une formation, d'un équipement de protection individuelle et de conditions adéquates.
Aborder la question de l'épuisement professionnel et des risques psychosociaux
Comme ils/elles travaillent dans des conditions exceptionnelles, de nombreux professionnels de la fonction publique de première ligne sont au bord de l'épuisement professionnel et du burnout, et connaissent des niveaux de stress et d'anxiété insupportables, notamment pour leur propre famille et pour leur vie.
Les employeurs doivent assurer la santé mentale et le soutien psychosocial (MHPSS) ainsi que la formation de tous les travailleurs/euses sur les questions médicales et sociologiques émergentes liées à l'épidémie. Cette dimension doit être pleinement prise en compte et traitée efficacement lorsque les gouvernements élaborent leurs plans d'urgence et leurs enveloppes financières pour lutter contre la pandémie.
Adopter une législation et une politique qui garantissent que tous/tes les travailleurs/euses , y compris ceux/celles du secteur informel, les travailleurs/euses occasionnels ou sous-traitants et les travailleurs/euses de l'économie de plateforme reçoivent des indemnités de congé de maladie qui leur permettent de vivre pendant toute la période de quarantaine après une exposition potentielle, une exposition sans diagnostic ou un test de diagnostic positif, ou lorsque leur lieu de travail ou leurs moyens de subsistance sont temporairement fermés pour limiter la transmission de l'infection.
Écouter la voix des travailleurs/euses des services publics locaux et engager un dialogue constructif avec leurs syndicats est plus que jamais essentiel pour s'attaquer efficacement au COVID-19 et y mettre fin.