Deux-mille agents municipaux des services de propreté tunisiens réclament des conditions de travail sûres et la reconnaissance statutaire de leur profession

Deux-mille agents municipaux des services de gestion des déchets de Tunisie ont manifesté ce 28 avril, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé et sécurité au travail, réclamant des conditions de travail saines et sûres, un équipement de protection adéquat pour tou(te)s et la reconnaissance de leur statut professionnel au niveau national.

Deux-mille agents municipaux des services de gestion des déchets provenant de toutes les provinces de Tunisie ont répondu à l’appel de la branche municipale de l’Union Générale des Travailleurs de Tunisie (UGTT) en descendant l’historique Avenue Habib Bourguiba, ce 28 avril dernier, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé et sécurité au travail. Les travailleurs/euses ont manifesté pour réclamer des conditions de travail saines et sûres, un équipement de protection adéquat pour tou(te)s et la reconnaissance de leur statut professionnel au niveau national.

Vidéo manifestation

La manifestation du 28 avril était le point culminant d’un événement d’information et de sensibilisation d’une durée de deux jours, intitulé « 1ère Rencontre méditerranéenne sur les conditions de travail », organisé par la branche UGTT-Municipaux et la fédération française CFDT Interco, avec la participation de l’ISP, dans la perspective d’une coopération entre syndicats des pays de l’Ouest-méditerranéen, issue de la résolution no 45 du Congrès 2017 de l’ISP. L’évènement comprenait un colloque sur les conditions de travail des municipaux, qui a ressemblé plus de 70 personnes, dont des travailleurs/euses et militants(e)s syndicaux tunisiens, des expert(e)s tunisiens et internationaux en matière de santé et sécurité au travail, ainsi que des représentant(e)s institutionnels de Tunisie et des responsables de la branche UGTT-Municipaux provenant des 24 régions du pays.

Manifestation nationale des travailleurs/euses municipaux des services des déchets de Tunisie réclamant des conditions de travail dignes et sûres, 28 avril 2019Dans un saisissant témoignage vidéo, réalisé et présenté par l’UGTT lors du colloque, l’on peut voir des travailleurs/euses ramassant, transportant et amassant des déchets non triés (médicaux, métaux, verre, ordures ménagères et organiques, électroniques et chimiques, le tout mélangé), souvent sans gants ni masque et dans des conditions mettant leur santé en grand danger.

Réagissant à la vidéo et ouvrant le colloque, M. Mondher Bousnina, Président de la Haute instance des collectivités territoriales, représentant le Ministre des affaires locales et de l’environnement de Tunisie, a reconnu les graves problèmes auxquels est confronté ce secteur en Tunisie. Il a mis l’accent sur l’urgence d’établir une cartographie des risques et des défaillances du système, en coopération avec les représentant(e)s des travailleurs/euses, pour ensuite s’y attaquer dans le but d’améliorer les conditions de travail et de service. Dans son intervention, il a également mis l’accent sur l’importance de l’éducation et de la sensibilisation du public à la réduction et la gestion durable des déchets.

« Si le pays veut être propre, la responsabilité doit être partagée parmi tous les acteurs, et les citoyen-ne-s doivent aussi faire leur part. Les municipaux travaillent dur, mais trop souvent, on ne les aperçoit pas », a-t-il dit. « Nous travaillerons ensemble et établirons un plan de travail conjoint pour mettre en marche un système circulaire », a-t-il conclu.

Colloque public sur les conditions de travail des travailleurs/euses municipaux de Tunisie, organisé par l’UGTT, le 28 avril 2019

Mme la Maire de la ville de La Goulette, également présente au colloque, a salué le « travail colossal » des agents municipaux pour le bien-être des citoyen-ne-s et des municipalités, et a souligné qu’il est impératif d’agir pour améliorer et promouvoir les conditions et la qualité du service, en mettant l’accent sur la définition scientifique des tâches de la profession, des programmes de formation et de prévention, ainsi qu’un suivi médical.

« Nous allons développer ces idées par la mise en place d’une commission de travail avec tous les partenaires sociaux pour réaliser une meilleure gestion des déchets municipaux pour tous ».

Colloque public sur les conditions de travail des travailleurs/euses municipaux de Tunisie, organisé par l’UGTT, le 28 avril 2019Au lendemain de la manifestation, le 29 avril 2019, Makrem Amairia, Secrétaire général de la branche UGTT-Municipaux, a déposé une demande officielle auprès du Ministère du travail de Tunisie pour un projet de statuts des agents municipaux pour la reconnaissance de la profession.

« Les agents municipaux travaillent durement pour assurer la propreté et la sûreté de l’espace public tunisien, avec des moyens insuffisants et au détriment de leur propre santé. L’UGTT réclame l’action urgente du gouvernement national et des maires pour qu’ils mettent à disposition un équipement de protection personnel de qualité pour tou(te)s, ainsi que les moyens adéquats dont les agents ont besoin pour mener à bien leur mission. Nous exigeons aussi que les agents soient enfin reconnus pour leur rôle fondamental dans la protection de la santé publique et l’environnement du pays », a-t-il déclaré.

Makrem Amairia, Secrétaire général de la branche UGTT Municipaux, signe la demande de reconnaissance du statut professionnel des agents municipaux du secteur des déchets avant de la donner au Ministère du travail de Tunisie.L’acceptation des statuts représenterait une étape importante pour l’amélioration des conditions de travail de tous les agents municipaux tunisiens. Cela permettrait une meilleure organisation du parcours professionnel des agents, notamment les promotions en faveur des animateurs/trices dans les jardins d'enfants, l’accès au droit à la formation continue et l'introduction de nouvelles indemnités (prime de risque, prime de collecte des déchets, etc.). Cela permettrait également la mise en place d'un comité conjoint national sur la santé et sécurité au travail, et faciliterait les démarches pour améliorer la coordination entre les conseillers/ères municipaux élus et les agents administratifs.

En ce qui concerne les services de propreté, la responsabilité et la charge financière de ce service essentiel en Tunisie reposent principalement sur les municipalités qui dépensent entre 70-100% de leurs ressources uniquement dans la collecte et le transport à la décharge. Les zones urbaines sont les plus desservies (80%), alors que seul 10% des zones rurales est couvert[1].

En Tunisie, les infrastructures des décharges sont vétustes, comme celles de Borj Chakir. Certaines datent encore de l’époque coloniale, alors que plusieurs déchetteries sont abusives et non encadrées. Bien que la Tunisie soit signataire de plusieurs engagements internationaux et a des lois avancées au sujet de la gestion durable des déchets et le tri sélectif, ces lois ne sont généralement pas appliquées.

Lors du week-end du 28 avril, un stand d’information et de sensibilisation a été installé par les syndicats sur l’Av. Habib Bourguiba pour renseigner les citoyen-ne-s, les usagers/ères et les élus locaux et nationaux tunisiens sur les conditions difficiles des employé(e)s municipaux, et notamment sur les nombreux dangers auxquels ils/elles sont confrontés au quotidien, en particulier dans les métiers de collecte et de gestion des déchets. Le soir du samedi 27 avril a été donné sur le stand un spectacle de théâtre et de danse créé à l’occasion de la Journée mondiale de la santé et sécurité au travail, visant à mettre en valeur les travailleurs/euses municipaux


L’un des objectifs et des résultats de ce colloque était également la finalisation d’un guide pratique sur la santé et la sécurité au travail à l’usage des travailleurs/euses municipaux tunisiens, qui sera édité et diffusé courant 2019.

[1] Sandra van Niekerk et Vera Weghmann “Municipal Solid Waste Management Services in Africa”, PSIRU 2019