Briser le "cycle de la panique et de la négligence" par la solidarité et l'action

Cette année, la Journée mondiale de la santé tombe pendant la plus grave urgence de santé publique de l'histoire de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour soutenir les infirmier/ères, les sages-femmes et tous/tes les travailleurs/euses de la santé en ce moment, il faut un vrai retour à l'esprit de la conférence d'Alma Ata pour que la santé soit considérée comme un droit humain fondamental, fondé sur une nouvelle économie radicale qui garantit des services publics de qualité pour tous/tes.

Cette année, la Journée mondiale de la santé tombe pendant la plus grave urgence de santé publique de l'histoire de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Plus d'un million de personnes ont été infectées par le nouveau coronavirus et celui-ci a tué environ 70 000 personnes. Ces sombres chiffres continuent d'augmenter. Les gouvernements et la communauté internationale doivent prendre des mesures urgentes et décisives pour endiguer et vaincre la pandémie et faire en sorte que plus jamais l'humanité ne soit mise en danger.

Les travailleurs/euses de la santé en première ligne de l'intervention du COVID-19 sont confrontés à une situation périlleuse. Ils/elles sont débordés car nos hôpitaux manquent cruellement de personnel. Et il n'y a pas assez d'équipements de protection individuelle (EPI) pour les protéger correctement. Cette situation qui donne à réfléchir est préoccupante pour les travailleurs/euses de la santé et leurs familles. Elle entrave également la réponse mondiale à la pandémie.

Des années de privatisation et de réduction du financement des soins de santé publics ont précédé ce scénario morbide de manque de préparation des systèmes de santé. Sur la base d'un consensus néolibéral, poussé par les politiques et les programmes des institutions financières internationales, les gouvernements ont réduit les salaires et plafonné l'emploi dans le secteur de la santé et le secteur social, malgré le besoin pressant d'employer davantage de travailleurs/euses de la santé.

Personnel de santé - déficit mondial

Principales constatations: Rapport ONU ComHEEG sur les personnels de santé

43mi

nombre total de travailleurs/euses de la santé dans le monde

40mi

besoin de nouveaux travailleurs/euses de la santé d'ici 2030

18mi

la pénurie de personnel de santé d'ici 2030

Il y a tout juste quatre ans, l'espoir de voir le manque de personnel disparaître semblait renaître lorsque les gouvernements se sont engagés à mettre en œuvre les recommandations de la Commission de haut niveau des Nations unies sur la santé, l'emploi et la croissance économique (UN-CommHEEG) afin d'améliorer l'emploi et les conditions de travail dans le secteur de la santé, de combler la pénurie mondiale de 18 millions de travailleurs/euses de la santé et de parvenir à une couverture médicale universelle d'ici 2030.

En 2017, l'Assemblée mondiale de la santé a également adopté un plan d'action quinquennal pour l'emploi dans le secteur de la santé et la croissance économique inclusive fondé sur ces recommandations. Malheureusement, lorsque la pandémie a commencé, très peu de choses avaient été faites pour mettre en œuvre ce plan.

Comme l'a fait remarquer le Directeur général de l'OMS au début de l'année 2020, nous pourrions entrer dans une période de pandémie face à laquelle le monde sera "dangereusement mal préparé". Pour éviter cela, les gouvernements doivent dès à présent donner la priorité aux investissements dans la santé et prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver la vie et le bien-être des travailleurs/euses de la santé et des autres travailleurs/euses en première ligne de l'intervention sans délai. Nous avons besoin de travailleurs/euses bien protégé/es pour sauver des vies.

Cette crise met encore plus en évidence l'importance des facteurs déterminants sociaux et économiques de la santé. La pauvreté et la surpopulation des logements rendent l'éloignement social et physique très difficile, voire impossible, pour des millions de personnes. Dans plusieurs villes, cela a conduit des personnes à fuir les directives de confinement. Le manque d'accès à l'eau potable pour 40 % de la population mondiale signifie que certaines personnes ne peuvent pas appliquer les mesures préventives les plus élémentaires, comme le lavage des mains.

Cette urgence mondiale met en lumière l'interdépendance de la santé publique et du système économique international.

Nous profitons de ce moment pour souligner le besoin immédiat de protéger le droit à la santé des migrant/es et des réfugié/es et d'éviter une urgence majeure de santé publique. L'effet de la pandémie sur des milliers de personnes concentrées dans des zones restreintes sans accès aux services de santé, au savon, à l'eau potable et à l'assainissement serait catastrophique.

Cette urgence mondiale met en lumière l'interconnexion de la santé publique et du système économique international. La Conférence d'Alma Ata de 1978 en a pris conscience, les délégués y ayant publié une déclaration en faveur de la "santé pour tous d'ici à l'an 2000", notant que cet objectif ne pouvait être atteint sans l'instauration d'un nouvel ordre économique international qui place les personnes au-dessus des profits.

Malheureusement, au cours des 42 années qui se sont écoulées depuis cette déclaration historique, le modèle de développement néolibéral a été la norme. La conséquence a été la concentration des richesses entre quelques mains tandis que les services publics, y compris les soins de santé, ont été sous-financés, marginalisés et laissés à l'abandon. Cela a entraîné une avalanche de crises : une récession mondiale massive, une crise climatique et écologique, l'érosion de la protection sociale et une informalisation du travail et de la vie pour la grande majorité des gens.

La pandémie actuelle aurait pu être imprévisible. Mais des systèmes de santé publique solides, ancrés dans un ordre économique mondial qui privilégie la solidarité et le bien-être des personnes et de la planète par rapport aux profits de quelques-uns/unes, l'auraient rendue beaucoup plus gérable.

La crise sanitaire, sociale et économique qui se déroule actuellement est un appel de l'histoire à un changement radical. Il est désormais clair que nous ne pouvons pas compter sur le marché pour protéger notre santé. Pour soutenir les infirmiers/ères, les sages-femmes et tous/tes les travailleurs/euses de la santé en ce moment, il faut un véritable retour à l'esprit de la conférence d'Alma Ata pour que la santé soit considérée comme un droit humain fondamental, fondé sur une nouvelle économie radicale qui garantit des services publics de qualité pour tous/tes.

Comme l'a souligné le Dr Tedros Ghebreyesus, le monde doit briser le cycle de la panique et de la négligence. Cela peut se faire en appliquant les mesures positives prises par certains États membres de l'OMS jusqu'à présent et en mettant en œuvre les pactes internationaux existants qui pourraient garantir une santé publique universelle. Pour y parvenir, l'ISP appelle tous les gouvernements à :

  • Fournir en urgence des EPI à tous les travailleurs/euses de la santé, y compris les travailleurs/euses de la santé communautaire, ainsi qu'aux travailleurs/euses de tous les secteurs présentant un risque élevé de contagion. Le COVID-19 devrait être officiellement considéré comme une maladie professionnelle donnant lieu à une action dans le secteur de la santé.

  • Fournir des tests médicaux gratuits pour les travailleurs/euses qui continuent à assurer des services publics, et un traitement pour les travailleurs/euses contaminés/es, ainsi qu'un soutien psychosocial et de santé mentale (MHPSS), en particulier dans le secteur de la santé.

  • Veiller au respect des obligations en matière de sécurité et de santé au travail, telles que détaillées dans les conventions 155, 187 et 161 de l'OIT, ainsi que dans les recommandations 194, 197 et 171 de l'OIT, le protocole à la convention 155 et la mise en œuvre des directives révisées de l'OIT sur les services publics d'urgence.

  • Reprendre les usines locales pour les reconvertir à la production d'EPI ainsi que de ventilateurs, de kits de dépistage et de tous les autres dispositifs et fournitures médicales nécessaires. De même, les installations hospitalières privées devraient être reprises afin d'augmenter le nombre de lits disponibles dans les unités de soins intensifs.

  • Limiter les intérêts commerciaux de l'industrie pharmaceutique dans l'intérêt de l'humanité. Les droits de brevet sur les produits pharmaceutiques nécessaires au traitement du COVID-19 doivent être suspendus et les laboratoires travaillant sur les vaccins contre la maladie doivent être placés sous contrôle public.

  • Aborder les dimensions de genre de la crise. Les femmes représentent 70 % de l'ensemble des travailleurs/euses de la santé et leurs préoccupations doivent être mises en perspective. La fermeture nécessaire des écoles pose un problème pour nombre d'entre elles qui ont de jeunes enfants. La situation est encore plus difficile pour les mères célibataires ou lorsque les deux parents sont des professionnels de la santé. Des mécanismes de soutien à la garde d'enfants doivent être mis en place pour eux en fonction des besoins.

  • Réquisitionner des logements et des hôtels vides pour accueillir les sans-abri et les personnes vivant dans des conditions de surpopulation, afin de réduire la transmission de l'infection.

  • Offrir une solution inclusive et fondée sur les droits aux migrant/es en détention (y compris ceux/celles qui sont piégés aux frontières) et aux réfugié/es, demandeurs d'asile, migrant/es et personnes déplacées vivant dans des camps.

  • Mettre pleinement en œuvre les recommandations du comité d'experts des Nations unies, y compris le dialogue social et l'engagement politique à mener des réformes et des politiques macroéconomiques appropriées en vue de la pleine réalisation de l'accès universel aux soins de santé publique.

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Affiche - Bien équipé, on sauve des vies

Le coronavirus est une menace mortelle pour les travailleurs/euses de première ligne du service public - en particulier nos membres dans le secteur de la santé. Nous comptons sur eux/elles pour sauver d'innombrables vies - mais pour qu'ils/elles puissent faire leur travail, les gouvernements du monde entier doivent prendre des mesures plus fermes dès maintenant. À l'heure actuelle, les travailleurs de la santé représentent environ 12 % de la population infectée dans le monde, et le nombre de décès est insupportable. Illustration by Zoran Svilar