« Un papier conjoint ISP-CGLU montre comment les gouvernements locaux et les syndicats peuvent faire progresser l'ODD 8 grâce à un dialogue constructif »

Ce rapport conjoint de l'ISP et de la CGLU sur l'ODD 8 souligne le rôle essentiel des collectivités territoriales dans la promotion d'une croissance économique durable et dans la création d'emplois décents sur leurs territoires. Le rapport confirme la responsabilité des administrations locales et régionales (ALR) en tant qu'employeurs dans le secteur des services publics et met l'accent sur leur capacité à influencer les économies locales, par exemple, à travers des pratiques d'achat socialement responsables. Le papier démontre que la réalisation effective de l'ODD 8 est mieux atteinte lorsque les ALR s'engagent dans un dialogue social et des négociations collectives avec les syndicats.

Le 16 juillet 2025, lors du Forum politique de haut niveau 2025 (FPHN) des Nations unies au siège de l'ONU à New York (États-Unis), l'ISP et CGLU ont lancé un rapport conjoint intitulé «Défis et opportunités pour les gouvernements locaux et régionaux dans la localisation de l'ODD 8» qui présent les efforts réalisés pour la localisation de l'ODD 8 «Travail décent et croissance économique».

Le document ISP-CGLU sur l'ODD 8 souligne le rôle essentiel des ALR dans la promotion d'une croissance durable et dans la création d'emplois décents sur leurs territoires. Le rapport confirme la responsabilité des administrations locales et régionales (ALR) en tant qu'employeurs dans le secteur des services publics et met l'accent sur leur capacité à influencer les économies locales, par exemple, à travers des pratiques d'achat socialement responsables.  Il montre enfin comment, lorsque les ALR s'engagent dans un dialogue social et des négociations collectives avec les syndicats, l'ODD 8 peut être réalisé.

Ethan Young, secrétaire sous-régional de l'ISP pour l'Amérique du Nord, représentant l'ISP au Forum politique de haut niveau des Nations unies à New York lors du lancement du document conjoint ISP-CGLU « Défis et opportunités pour les gouvernements locaux et régionaux dans la localisation de l'ODD 8 ».
Ethan Young, secrétaire sous-régional de l'ISP pour l'Amérique du Nord, représentant l'ISP au Forum politique de haut niveau des Nations unies à New York lors du lancement du document conjoint ISP-CGLU « Défis et opportunités pour les gouvernements locaux et régionaux dans la localisation de l'ODD 8 ».
Pour réaliser pleinement l'ODD 8, nous avons besoin d'un leadership local et d'un engagement envers les travailleuses et les travailleurs locaux en tant que phare du développement.

Ethan Young, Secrétaire sous-régional de l'ISP pour l'Amérique du Nord, a représenté l'ISP lors de la cérémonie de lancement du rapport auprès du FPHN des Nations unies le 16 juillet 2025. Il a déclaré : « Notre système actuel exclut celles et ceux qui sont les plus proches du terrain : les gouvernements locaux, les syndicats et les territoires. Pour réaliser l'ODD 8, nous avons besoin d'un leadership local et d'un engagement envers les travailleuses et les travailleurs locaux, qui sont le moteur du développement ».

Daria Cibrario, Responsable principale des politiques de l'ISP, a coordonné l'enquête du côté de l'ISP et a co-rédigé le papier. Selon elle: « ce rapport conjoint ISP-CGLU reconnaît le rôle essentiel des gouvernements locaux et régionaux (GLR) dans la promotion de l'ODD 8, non seulement en tant que responsables des politiques publiques sur leur territoire, mais aussi en tant qu'employeurs ayant des responsabilités claires envers leur propre personnel dans leurs lieux de travail. Ce papier souligne l'importance pour les GLR de respecter la liberté syndicale et de mener des négociations collectives de bonne foi avec les syndicats représentatifs. Le document présente des exemples concrets de bonnes pratiques illustrant les avantages pour tous de cette approche, notamment pour les communautés locales qui peuvent ainsi jouir d’un accès équitable à des services publics de qualité. Il met également en évidence les avantages de la prestation directe de services publics et des emplois en interne; des marchés publics socialement responsables; et de la coopération tripartite locale. Enfin, le document appelle à un regain d'intérêt pour les pactes territoriaux pour l'emploi en tant que stratégie clé pour stimuler le développement économique local inclusif ».

Points saillants du document

Le document contient des messages clés accompagnés d'exemples auxquels les affiliés de l'ISP peuvent se référer lorsqu'ils négocient avec leurs employeurs ALR. Il souligne leur rôle clé en tant que partenaires sociaux et acteurs du développement social. Parmi les messages, on peut citer les suivants :

  • Les ALR peuvent jouer un rôle essentiel, progressif et transformateur en créant un environnement propice à la mise en œuvre de l'ODD 8 dans leurs territoires et sur les lieux de travail relevant de leur compétence.

  • En respectant les droits du travail de leurs employés et en leur garantissant des conditions de travail décentes (notamment en négociant avec les syndicats représentatifs de leurs employés), les ALR peuvent réaliser directement l'ODD 8 sur les lieux de travail.

  • Les huit conventions fondamentales de l'OIT couvrent: la liberté d'association; la reconnaissance effective du droit à la négociation collective; l'élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire; l'abolition effective du travail des enfants; et l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et dans les professions. À cet égard, si un pays est membre de l'OIT, ces conventions s'appliquent sur l'ensemble de son territoire, que le gouvernement central du pays les ait ratifiées ou non.

  • Les droits du travail étant des droits humains, les ALR peuvent se positionner comme les gardiens du travail décent et des droits du travail sur leurs territoires et sur les lieux de travail dont ils ont la responsabilité, contribuant ainsi de manière concrète et importante à la localisation de l'ODD 8. Les ALR doivent intervenir également lorsque les réglementations et les protections nationales en faveur des travailleuses et travailleurs sont insuffisantes et que les systèmes de mise en œuvre font défaut.

  • Des services publics de qualité dans le giron public, dotés d'un personnel qualifié, en nombre suffisant, bénéficiant de conditions de travail décentes, de droits du travail et de sécurité et santé au travail, constituent un facteur clé d'égalité pour les habitants des communautés locales.

  • Les femmes constituent la majorité du personnel des ALR. Néanmoins, elles restent actuellement cantonnées dans des professions peu rémunérées, féminisées et marquées par une ségrégation horizontale, tels que l'enseignement primaire, les services de soins, les services sociaux, les services de santé, le tourisme et les services de nettoyage. Si l'ODD 8 doit être mis en œuvre, cela doit impérativement changer.

  • La coopération tripartite locale entre les collectivités locales, les syndicats de travailleuses et travailleurs des ALR,  et les institutions nationales est une stratégie gagnante pour mettre en œuvre l'ODD 8 pour promouvoir des politiques en faveur d’un marché du travail actif et pour créer des emplois décents dans les territoires, tout en améliorant l'accès à des services publics de qualité.

  • En tant qu'employeurs, les ALR jouent un rôle essentiel dans l'amélioration des compétences de leur main-d'œuvre et dans la dignification du travail non qualifié. Elles peuvent mieux atteindre ces objectifs en engageant un dialogue social constructif et des négociations collectives avec les syndicats de travailleuses et des travailleurs des services ALR.

  • Les ALR peuvent promouvoir des pratiques de travail équitables sur leurs territoires grâce à des marchés publics à valeur sociale, qui consistent à évaluer non seulement le rapport qualité-prix des biens ou services contractés, mais aussi leur impact social, économique et environnemental d’un point de vu plus large, notamment considérant la création d'emplois décents, la facilitation des reconversions professionnelles, la formation, la réinsertion, et le retour sur le marché du travail des chômeurs de longue durée.

  • La prestation directe de services publics par le biais de la création de nouveaux services publics nécessaires (« municipalisation ») ; le retour de services publics précédemment privatisés sous le contrôle, la gestion et la propriété des collectivités locales (« remunicipalisation ») ; et l’ «internalisation» des emplois dans ces services qui peuvent autrement être informels et précaires (et donc non décents), sont d'excellents moyens de garantir un travail décent dans les communautés locales et sur les lieux de travail ALR, tout en offrant un accès équitable à la de services publics locaux. Ces options offrent des avantages considérables en termes de qualité des services, d'accès élargi et plus abordable, de rentabilité à long terme, de  transparence et de création d'emplois décents.

Bonnes pratiques tirées de l'expérience des syndicats de l'ISP

Le rapport relate un certain nombre de bonnes pratiques tirées des expériences, des initiatives et des victoires des syndicats des services publics, dont les principales sont notamment des suivantes :

  • La Charte éthique des communes des soins du syndicat britannique UNISON, qui engage les ALR contractants à bannir les contrats zéro heure et de garantir le recrutement et la rétention d'une main-d'œuvre plus stable grâce à des salaires, des conditions de travail et des niveaux de formation plus durables dans les services de soins.

  • La campagne nationale 2020 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) intitulée Fix long-term care (Réformer les soins de longue durée) afin de mettre fin à la privatisation des soins de longue durée pour les personnes âgées. Cette campagne a abouti à la décision du gouvernement de la Saskatchewan d'investir 80 millions de dollars canadiens dans les soins de longue durée, en commençant par la municipalisation (nouvelle création d’un service territorial) de deux établissements grâce à des investissements publics substantiels ; 82 projets de rénovation ; et 13 nouvelles maisons de retraite publiques dans les zones rurales et isolées de la province.

  • Le programme Menn i Helse (Des hommes en bonne santé), lancé en 2010 par la ville de Trondheim (Norvège) avant de devenir un projet national. Il a été mis en œuvre avec le soutien et en coopération avec l'Association norvégienne des collectivités locales et régionales, la Direction norvégienne de la santé, les collectivités territoriales et le Syndicat norvégien des travailleurs municipaux (Fagforbundet).

  • La remunicipalisation de la gestion des déchets à Oslo (Norvège) et des hôpitaux dans plusieurs localités australiennes; l'introduction en 2023 par le Territoire autonome de Canberra (Australie) d'une gestion directe (« internalisation ») des services dans le cadre de l'engagement du gouvernement à promouvoir le bien-être de la communauté locales en offrant des emplois plus sûrs aux travailleuses et travailleurs, résultat direct de la mobilisation des syndicats de la fonction publique australienne; l'introduction en mars 2025 par le gouvernement de l'État australien de Nouvelle-Galles du Sud d'une législation visant à interdire les « partenariats public-privé » pour la gestion des hôpitaux de soins aigus, y compris par les futurs gouvernements, également à la suite de la mobilisation des syndicats australiens de la fonction publique.

  • Le protocole d'accord signé en 2021 par la ville de Milan (Italie) pour garantir la qualité du travail dans les contrats publics municipaux négociés avec les principaux syndicats italiens (CGIL, CISL et UIL). Cet accord donne la priorité à la qualité plutôt qu'aux offres les moins chères ; garantit la continuité et la stabilité de l'emploi (contrats d'une durée minimale de quatre ans) ; protège les droits des travailleuses et des travailleurs lors des transitions contractuelles ; limite la sous-traitance ; rend obligatoire l'application des conventions collectives à tous les employés concernés par les marchés publics ; et établit un registre public des entreprises qui exercent des pratiques sociales déloyales.

  • La coopération entre le syndicat suédois des professionnels Akademikerförbundet (SSR) et la municipalité de Botkyrka (Suède) pour remédier au problème des démissions des travailleurs sociaux en raison des conditions de travail difficiles dans la profession. À la suite d'un dialogue social, la municipalité a augmenté le salaire des travailleuses et travailleurs sociaux et des gestionnaires des dossiers de 2 000 SEK par mois, ce qui concerne environ 260 travailleurs.

  • L'initiative de la municipalité d'Erevan (Arménie) visant à fournir une couverture d'assurance maladie à ses travailleuses et travailleurs par le biais de marchés publics passés avec des compagnies d'assurance.

  • À Buenos Aires (Argentine), les autorités municipales et provinciales ont mis en œuvre des initiatives visant à favoriser le dialogue avec les syndicats, les entreprises et les organisations de la société civile afin d'élaborer des politiques qui favorisent l'emploi décent. Le Conseil économique et social municipal sert d'espace institutionnel où les représentants du gouvernement et les partenaires sociaux collaborent à la conception de politiques publiques pour favoriser le développement économique et social, y compris la création d'emplois.

  • À Bislig (Philippines), le gouvernement local et l'Association des employés municipaux de Bislig ont conclu un accord de négociation collective qui prévoit la création d'un conseil consultatif paritaire. Ce conseil se réunit régulièrement afin de promouvoir des relations équitables, constructives et équilibrées entre les partenaires sociaux.

  • Le consortium intercommunal Welfare Care Kempen (WCK, Belgique) offre un exemple de la manière dont le dialogue social peut constituer un mécanisme de réponse essentiel en période de crise, comme durant la pandémie de COVID-19. Une tradition de dialogue social fondé sur la confiance entre la direction du WCK et les syndicats s'est avérée déterminante pour maintenir la résilience des services essentiels pendant la pandémie de COVID-19. Le comité d'entreprise du WCK, où les questions relatives au lieu de travail et à la gouvernance sont régulièrement abordées avec les représentants du personnel, a permis à la direction et aux syndicats d'élaborer rapidement une stratégie commune qui a permis de redéployer le personnel avec son accord et de donner la priorité aux personnes les plus vulnérables de la communauté.

Les syndicats ALR de l’ISP ont contribué directement à la rédaction de ce rapport

Le papier s'appuie principalement sur les résultats de recherches documentaires menées par le personnel de l'ISP et de CGLU, ainsi que par un consultant externe (ancien membre du personnel de l'OIT). Afin de recueillir des expériences de première main et de consulter les syndicats de l'ISP pour alimenter leur contribution au document, l'ISP a mené une enquête auprès de ses affiliés en février 2025 et a examiné les informations reçues. Entre février et avril 2025, l'ISP a reçu 114 réponses, dont 28 étaient complètes et pertinentes pour le document. Les exemples les plus marquants ont été incorporés dans le document.

Pourquoi un rapport sur la localisation des ODD ?

Le rapport ISP-CGLU s'inscrit dans le cadre du « Vers la localisation des ODD », le document d'orientation annuel préparé par CGLU – l'organisation mondiale la plus représentative des gouvernements locaux et régionaux (GLR) – au nom du Groupe de travail mondial des gouvernements locaux et régionaux (GTF), la plateforme de coordination politique des GLR et des réseaux de villes à travers le monde.  Outre le document ISP-CGLU sur l'ODD 8, le 9e rapport comprend des documents sur la localisation de l'ODD 3 « Bonne santé et bien-être », co-rédigé avec l'OMS, sur l'ODD 5 « Égalité entre les sexes » et sur l'ODD 14 « Vie aquatique ».

« Localiser» signifie « mettre en œuvre au niveau local, dans les villes, les communes, les territoires et dans les lieux de travail ALR ». À seulement cinq ans de l'échéance fixée par l'Agenda 2030 des Nations unies et alors que le monde est en proie à de multiples crises, les États ne parviennent pas à atteindre les objectifs en matière de développement durable. Dans le système multilatéral, les gouvernements nationaux sont considérés comme les principaux acteurs de la mise en œuvre des ODD et sont donc encouragés à participer au mécanisme d'examen des ODD des Nations unies, qui consiste en grande partie à soumettre des examens nationaux volontaires (ENV) à l'occasion du Forum politique de haut niveau des Nations unies (FPHN) qui se tient chaque année. Pourtant, ALR jouent un rôle central dans la mise en œuvre des ODD sur leur territoire et dans leur domaine de compétence, car elles sont en première ligne face aux crises multiples et sont les plus proches des besoins des populations. De nombreuses collectivités territoriales présentent donc des « rapports locaux volontaires » (VLR, selon ses sigles en anglais) au FPHN des Nations unies qui sont présentés lors d'événements parallèles consacrés aux GLR afin d'attirer l'attention sur leur rôle et à encourager les gouvernements nationaux à les inclure pleinement dans leurs examens nationaux volontaires.

Si le 9e Rapport sur la localisation recense plus de 280 ENV présentés par des ALR à travers le monde, il constate également que moins de 40 % des États qui ont présenté leurs ENV au FPHN cette année ont collaboré avec leurs ALR et ont reconnu leur rôle en tant que décideurs clés du développement durable. Dans un tiers des pays ayant rendu compte, les ALR n'ont pas été impliquées du tout, ce qui met en évidence un déficit persistant en matière de gouvernance multi-niveaux, dix ans après l'adoption de l'Agenda 2030.