Réformes des soins de longue durée Guide à l'usage des syndicats

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Réformes des soins de longue durée
Guide à l'usage des syndicats

Réformes des soins de longue durée  Guide à l'usage des syndicats

Ce guide aide les syndicats à comprendre les indicateurs clés de la qualité des soins et les principes du travail décent dans le secteur des soins de longue durée, afin de plaider en faveur d'une réforme.

Table of contents fr

L'ISP a publié un nouveau rapport indépendant détaillé intitulé"Travail décent et systèmes de soins de longue durée de qualité" par Dr Sara Charlesworth - RMIT University, Dr Ian Cunningham - University of Strathclyde, Dr Tamara Daly - York University.

Le guide suivant résume ce rapport, en soulignant les principes clés et les indicateurs de ce qui contribue à des soins de bonne qualité et à un travail décent dans les soins de longue durée (SLD).

Ces principes et indicateurs s'appuient sur une typologie centrée sur l’emploi des travailleurs.euses et des personnels migrants dans le secteur des soins dans certains pays du Nord global et du Sud global. Cette typologie s'appuie sur des recherches documentaires approfondies et des études de cas spécifiques au Canada, à l'Australie, au Chili, à la France, à l'Inde, à l'Écosse, aux Fidji et à l'Afrique du Sud.

Quel est l'objectif de ce guide ?

Ce guide constitue une ressource complète pour les syndicats, offrant des perspectives fondées sur des données probantes qui leur permettent de plaider en faveur de réformes pratiques dans les secteurs nationaux des soins de longue durée (SLD). L'accent est mis non seulement sur les systèmes de SLD établis dans les pays du Nord global, mais aussi sur l'évolution des services et des systèmes de SLD dans les pays du Sud global.

Le contenu présente non seulement des exemples de modèles et de réformes réussis qui aident les travailleurs.euses à fournir des SLD responsables et de qualité, mais il identifie également des opportunités pour l'Internationale des Services Publics (ISP) et ses affiliés dans le cadre de campagnes, de négociations et de messages à l’intention du grand public.

Qu'est-ce que les soins de longue durée ?

Le secteur des SLD comprend à la fois les services de soins au domicile et en maison de soins, et englobe les travailleurs.euses rémunéré.e.s ainsi que les soins informels, familiaux et non rémunérés. Il englobe les services de soins aux personnes âgées, les services aux personnes handicapées et les services de santé pour les malades chroniques, en mettant l'accent sur les soins aux personnes âgées.

Les deux principaux sous-secteurs des SLD pour les personnes âgées sont les soins en établissement ou en maison de retraite et les services formels de soins à domicile. Le rapport reconnaît le rôle essentiel des "soins familiaux" ou des soins non rémunérés, qui sont principalement assurés par les femmes. Bien qu'ils constituent la principale source de soutien aux personnes âgées dans le monde, les soins familiaux sont confrontés à des défis en raison de changements démographiques tels que les migrations, la participation accrue des femmes à la main-d'œuvre et les migrations vers l'étranger. L'évolution du paysage a entraîné une augmentation des services formels fournis par l'État et externalisés vers les secteurs à but lucratif et non lucratif dans de nombreux pays de l'OCDE.

Principes clés pour des soins de qualité

Le rapport identifie six principes clés sur lesquels doivent reposer un travail décent et des systèmes de SLD de bonne qualité.

Cliquez sur les titres pour obtenir un résumé de chaque principe :

Principe 1 : Un financement public à la hauteur du coût des soins

  • La politique et le financement aux niveaux national et régional devraient être élaborés en vue d'éliminer la prise de bénéfices dans les SLD financés par l'État. Le financement public devrait couvrir l'intégralité du coût des soins, en fondant les services sur les besoins plutôt que sur l'éligibilité financière.

Principe 2 : prestation publique ou sans but lucratif

  • La meilleure forme de prestation de SLD est celle des services publics directs qui emploient directement des travailleurs.euses. L'implication du secteur privé entraîne des profits excessifs, des soins de qualité médiocre et, comme l'a montré la pandémie de Covid-19, une capacité réduite à faire face aux situations d'urgence. Les taux de mortalité étaient nettement plus élevés dans les établissements résidentiels à but lucratif que dans les établissements du secteur public et à but non lucratif, en raison de la minimisation des dépenses consacrées aux travailleurs.euses et aux résident.e.s.

Principe 3 : Gestion publique

  • Les SLD constituent un bien public. La gestion publique exige que les gouvernements agissent dans l'intérêt public pour contrôler, évaluer et faire respecter des soins de bonne qualité et un travail décent au niveau du système et de l'organisation, quel que soit le mode de prestation. Lorsque les SLD sont dispensés directement par des travailleurs.euses du secteur public, ils sont généralement associés à des résultats de haute qualité. Lorsqu'ils sont confiés à des établissements privés à but lucratif ou non, le gouvernement doit veiller à ce que des contrats efficaces soient mis en place pour contrôler l'utilisation des fonds publics et le non-respect des règles par les prestataires.

Principe 4 : Transparence et responsabilité des données publiques

  • Pour soutenir la gestion publique du système, il faut mettre en place des mécanismes de responsabilité publique pour le financement public. Les données doivent être rendues publiques, y compris celles relatives à la conformité réglementaire du système de SLD, à la main-d'œuvre, aux types de contrats de travail, aux performances des sous-traitants et aux résultats en termes de qualité des soins fournis. Afin d'améliorer le système et d'obtenir des résultats de haute qualité pour les bénéficiaires des soins, les prestataires doivent créer des conditions de travail décentes, rendre compte publiquement de leurs performances et mettre les données à la disposition d'un examen indépendant. Les prestataires de services de SLD doivent faire preuve d'une transparence maximale dans leurs opérations et leurs données de résultats, car la sous-traitance de services à des entités à but lucratif soulève d'importantes questions quant à la responsabilité de l'utilisation des fonds publics.

Principe 5 : Conditions de travail décentes

  • Les conditions de travail décentes dans les SLD comprennent des taux de rémunération et un nombre suffisant d'heures de travail prévisibles pour assurer un travail digne qui permette aux travailleurs.euses de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, et de s'engager pleinement dans la vie en dehors du travail rémunéré. Dans les SLD, les conditions de travail décentes comprennent également des contrats de travail sûrs avec accès à un emploi à temps plein si souhaité ; la rémunération de l’intégralité du temps de travail, y compris les trajets et la préparation ; l'accès aux congés payés et aux prestations de retraite ; une excellente formation et l'accès à des parcours de carrière qualifiants et à des conditions de travail sûres.

Principe 6 : Dignité dans les soins

  • Quel que soit le cadre, la cohérence des soins - c'est-à-dire le fait que le personnel des SLD ait le temps d'apprendre à connaître la personne destinataire des soins, ses préférences et ses besoins - est essentielle à la dignité. La dignité dans les soins dépend également du fait d'être soigné.e. par des travailleurs.euses bien formé.e.s, compétent.e.s et soutenu.e.s. Il est essentiel de pouvoir choisir les soins fournis et de disposer d'une certaine flexibilité sur la manière et le moment où les soins sont dispensés.

Tendances clés du secteur

Marchandisation, travail et emploi dans le secteur des soins de longue durée

Cliquez sur un thème ci-dessous pour découvrir les tendances émergentes dans le secteur :

La marchandisation des SLD

La marchandisation des SLD a suivi une trajectoire similaire, bien que non identique, dans différents pays du Nord. Les stratégies de marchandisation des prestations de SLD ont été influencées par les idées de la nouvelle gestion publique (NGP). La NGP, telle qu'illustrée en particulier dans les études de cas australienne, canadienne et écossaise, encourage la marchandisation et implique l'externalisation des services publics de la fourniture directe par l'État et de l'emploi à des réseaux de prestataires privés (à but lucratif) et bénévoles (à but non lucratif). Les raisons de cette externalisation sont multiples et s'inspirent de l'idéologie du programme de la NGP, qui comprend : la non-viabilité financière supposée des services fournis directement par l'État ; la volonté d'améliorer la qualité des services en imposant des disciplines de marché et des risques aux prestataires de services et à leur personnel ; l'introduction de techniques de gestion et d'innovation du secteur privé dans les services publics ; la nécessité d'améliorer la qualité des services publics par la concurrence ; la rentabilité de la prestation de services ; la proximité de certains types de prestataires (c'est-à-dire les organisations à but non lucratif) avec les clients et leurs besoins ; l'affaiblissement de la portée réglementaire des syndicats et des négociations collectives ; et l'érosion des conditions d'emploi des travailleurs.euses de première ligne.

Relations entre les chaînes d'approvisionnement des services publics

Les systèmes de SLD commercialisés entraînent une dynamique de pouvoir particulière dans les relations entre les prestataires de soins privés et non lucratifs et l'État. Les premiers dépendent des ressources des seconds. Les services publics directement fournis ont été progressivement "vidés de leur substance" par des processus d'externalisation dans lesquels l'État, en plus d'être un prestataire, devient un facilitateur pour d'autres prestataires de SLD. L'État, qu'il soit central, régional ou local, crée des réseaux de prestataires privés et bénévoles qu'il dirige et coordonne.

De nombreuses relations entre l'État et les prestataires de soins de longue durée peuvent être problématiques. Des cas comme ceux de l'Écosse, du Canada et de l'Australie révèlent que les financements accordés par l'État tiennent rarement compte du coût total des soins ou des pressions inflationnistes. En outre, le financement est lié à des indicateurs clés de performance (ICP) stricts qui, d'une année à l'autre, peuvent exiger des gains d'efficacité et, en période d'austérité, des réductions de financement. Les organismes prestataires sont particulièrement vulnérables dans les relations où ils ont un seul bailleur de fonds dominant, avec un accès limité ou inexistant à d'autres sources de financement.

En termes de sécurité et de durabilité, la pression constante exercée par les bailleurs de fonds sur les organisations prestataires pour qu'elles réalisent des économies et des gains d'efficacité a conduit les organisations à se retirer partiellement ou totalement du marché, rétrocédant ainsi les services aux gouvernements. La commercialisation s'est développée grâce à une combinaison de NGP et de valeurs néolibérales, mais aussi grâce aux campagnes de défense des droits humains menées par le mouvement des personnes handicapées. De plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer des services qui placent les aspirations et les ambitions des usager.e.s au premier plan. L’usager.e est considéré.e comme un.e consommateur.trice exprimant un choix individuel, y compris sur le type de prestataire (public, privé ou bénévole), et même jusqu'au personnel en charge. Cet agenda conduit à des décisions sur la durée d’exécution exacte et le nombre d'heures de prestation.

Des États (comme l'Australie, la France et l'Écosse) ont poursuivi la marchandisation des services de soins en introduisant des programmes de promotion de l'individualisation ou de la "personnalisation" des soins, connus sous le nom de "cash-for-care" (argent pour les soins). Dans ce cas, les États ont introduit des systèmes de paiement où, au lieu que les ressources aillent directement aux prestataires bénévoles et privés, l'argent, sous forme d’allocation, est placé entre les mains des bénéficiaires de soins. Ces systèmes sont conçus pour leur permettre de faire des choix concernant leur vie plutôt que d'avoir recours à des services "uniques" fournis par l'État ou les prestataires.

La corrélation entre le genre et la sous-évaluation des soins

La marchandisation perpétue également la sous-évaluation et la division du travail de soins en fonction du genre et la naturalisation des compétences des femmes en matière de soins. Les emplois de SLD sont mal rémunérés parce qu'ils sont très majoritairement occupés par des femmes et parce que le travail de soins est associé au rôle sexué des femmes, en particulier des mères. Par conséquent, des compétences telles que l'éducation et la compassion sont considérées comme acquises et sous-évaluées. Les financeurs des services de SLD, tant l'État que les organismes du secteur public, sont complices de la sous-évaluation du travail des femmes en ne fixant pas de coûts qui tiennent compte des compétences associées aux exigences du travail.

L'utilisation de la technologie dans les SLD

Dans toute discussion sur la marchandisation, il convient de souligner le rôle des nouvelles technologies dans la réduction des coûts et les mesures d'austérité, ainsi que la sous-évaluation des SLD en fonction du genre. Dans les systèmes de soins marchands, les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont considérées comme des priorités en matière de réduction des coûts. Les responsables des services publics considèrent la technologie comme une solution permettant de réaliser des gains d'efficacité et des économies, et d'introduire de nouvelles formes de contrôle qui réduisent le pouvoir discrétionnaire des travailleurs.euses. L'urgence pour les prestataires de SLD d'introduire ces technologies s'est accélérée dans des contextes qui exigent des économies.

En 2019, une enquête menée auprès des directeurs des services sociaux britanniques chargés des SLD pour adultes dans les organismes de financement public a révélé que 96 % d'entre eux considéraient que l'utilisation des TIC était importante pour réaliser des économies. En effet, l'utilisation des TIC est considérée comme un moyen essentiel pour les gouvernements locaux de maintenir les services publics malgré les réductions drastiques de leurs budgets dues à l'austérité (ADASS, 2019).

Les perspectives pour les travailleurs.euses du secteur des soins de longue durée de connaître des changements dans leur travail et une dégradation potentielle due à l'introduction de la technologie sont importantes. La technologie est un élément clé des pressions qui entraînent une plus grande insécurité et une intensification du travail dans les emplois de SLD marchands.

L'application de la technologie a également des effets néfastes sur les personnes soignées qui, une fois de plus, voient diminuer les interactions relationnelles en face à face au profit de solutions technologiques telles que les télécommandes, les capteurs et les robots. Le contrôle du temps passé au domicile de l'usager.e par le biais des TIC réduit le degré d'autonomie dont disposent les travailleurs.euses pour s'engager dans les éléments sociaux et relationnels associés à la prise en charge des personnes les plus vulnérables.

Profiter des SLD grâce à la financiarisation

Les études de cas menées au Chili et en Inde montrent que les multinationales s'intéressent de plus en plus à leurs systèmes de SLD en constante évolution. Il s'agit là d'une autre caractéristique de ces systèmes commercialisés qui contribue à des pratiques inacceptables en matière d'emploi : l'appât du gain par de grandes multinationales privées. Une étude récente menée par le CICTAR, la Fédération Santé Action Sociale CGT et la Fédération CFDT Santé-Sociaux (2022) a révélé que la société Orpea aurait grevé les établissements de soins d'une dette importante et de lourdes charges locatives. Pour ce faire, Orpea vend des maisons de retraite avec un bénéfice et loue ensuite les établissements aux nouveaux propriétaires. Cette spéculation immobilière se fait par l'intermédiaire d'un réseau complexe de 40 filiales établies au Luxembourg. Ces transactions n'ont rien d'illégal, mais des voix s'élèvent pour réclamer une plus grande transparence (CICTAR, et al, 2022). Orpea n'est pas le seul dans ce cas. Cette forme de financiarisation est courante. Le Royaume-Uni à lui seul possède des actifs de soins d'une valeur de 245 milliards de livres sterling, avec des transactions annuelles de 1,5 milliard de livres sterling au cours des cinq dernières années (CICTAR, 2023).

L'accélération de la commercialisation qui permet aux bailleurs dominants de placer la réduction des coûts au cœur des relations avec les prestataires, poursuit la sous-évaluation du travail des femmes en fonction du genre, encourage l'introduction de technologies axées sur le contrôle des coûts et permet des formes d'exploitation financière par les multinationales a conduit à un "nivellement vers le bas" dans les termes et conditions d'emploi. Ces dernières années ont vu l'introduction, dans certains pays du Nord, de fonds d'austérité (par exemple en Écosse et au Canada), ce qui a accéléré et exacerbé ces pressions.

Conditions de travail

Voici un résumé des principales tendances en matière de conditions de travail.

Le déclin des soins familiaux

Il existe également des chevauchements entre le déclin des soins familiaux et les tendances à la marchandisation. À l'échelle mondiale, les femmes s'engagent dans les trois formes de soins familiaux non rémunérés bien plus que les hommes, puisqu'elles assument environ 80 % de ce travail (OIT, 2019). La contribution des soins non rémunérés aux SLD est beaucoup plus prononcée dans les pays du Sud global. Dans le même temps, comme le montrent les études de cas, l'évolution démographique et les tendances socio-économiques et politiques entraînent une plus grande fluidité dans la dépendance traditionnelle à l'égard de ce travail. Chacun des cas du Sud global révèle comment l'industrialisation, l'urbanisation, les possibilités d'éducation accrues, les tendances démographiques changeantes et la création de chaînes de valeur mondiales en matière de soins diminuent la dépendance à l'égard des soins familiaux. Cependant, alors que ces changements s'accentuent, d’importantes dépenses dans ces cas (par exemple, aux Fidji, en Afrique du Sud et en Inde) restent principalement consacrées aux services de santé pour les mères et les jeunes enfants. Pourtant, malgré l'augmentation de la demande, l'examen des prestations de SLD dans les études de cas des pays du Sud global révèle d'énormes lacunes dans la couverture.

En outre, à mesure que les formes de marchandisation se répandent à partir du Nord global, la diminution des soins familiaux fait peser plusieurs menaces sur les travailleurs.euses des SLD et les bénéficiaires des soins dans le Sud global. La première vient de la croissance des chaînes de valeur mondiales des soins qui conduisent les migrant.e.s à remplacer les travailleurs.euses locaux du Nord global dans ce qui est perçu comme un travail de soins dévalorisé. Les flux migratoires du Sud global vers le Nord global ont, à leur tour, entraîné des pénuries de personnel de santé et de soins de longue durée dans les États du Sud, ce qui a eu pour effet d'accaparer des ressources déjà limitées.

La deuxième menace est liée au vieillissement de la population dans les études de cas du Sud global. Ces études révèlent comment les multinationales commencent à identifier de nouveaux marchés (par exemple en Inde et en Afrique du Sud). En l'absence d'une réglementation étatique appropriée et d'un engagement à construire un système de SLD, les États, les travailleurs.euses et les bénéficiaires de soins sont vulnérables aux stratégies financières des multinationales connues dans des pays tels que la France, l'Australie et l'Écosse. La croissance des formes privées de prestation dans les pays du Sud menace les efforts parallèles d'organisation, car les études de cas indiquent ce qui semble être une main-d'œuvre largement informelle opérant dans des circonstances familières au travail non rémunéré. Le développement des activités de SLD par les multinationales dans les pays du Sud global, comme les pratiques financières, telles que l'extraction de la valeur des transactions immobilières, la création de systèmes de soins à deux niveaux et la dégradation des conditions de travail, représentera un travail supplémentaire considérable pour les syndicats qui font campagne pour réglementer le travail informel et non rémunéré dans le domaine des SLD.

Qualité médiocre des emplois dans les SLD

Rémunération et conditions de travail

Une série d'études sur la marchandisation des SLD ont mis en évidence le fait que les salaires et les conditions de travail sont généralement faibles par rapport à d'autres professions et figurent parmi les professions les moins bien rémunérées dans la plupart des économies. Une étude réalisée par l'OIT en 2017 a révélé qu'en général, les travailleurs.euses des SLD reçoivent de faibles salaires et bénéficient de conditions de travail et d'une sécurité sociale moins bonnes que celles des autres travailleurs.euses du secteur des soins. Lorsque les tâches de soins deviennent trop exigeantes, les travailleurs.euses se tournent vers des secteurs tout aussi peu rémunérateurs, tels que le commerce de détail et l'hôtellerie, où la rémunération peut être légèrement meilleure et/ou les responsabilités moindres. Selon Eurofound (2020), dans l'UE, les travailleurs.euses des SLD sont souvent payé.e.s bien en dessous des salaires moyens nationaux, les salaires dans le secteur privé étant plus bas que ceux des prestataires publics.

Dans les pays de l'OCDE, la rotation du personnel des SLD est plus élevée que celle de la main-d'œuvre en général.

Il est tout aussi préoccupant de constater que la privatisation a entraîné une nouvelle baisse des taux de rémunération des travailleurs.euses par rapport à ceux du secteur public. La commercialisation a entraîné l'érosion d'autres avantages qui étaient comparables à ceux dont bénéficiaient les travailleurs.euses du secteur public exerçant des fonctions équivalentes. Il s'agit d'avantages tels que le droit à une pension de retraite, les indemnités pour maladie, les droits aux congés, le paiement des heures supplémentaires et des temps d’astreinte. De plus en plus souvent, des rapports indiquent que les travailleurs.euses du secteur des soins ne reçoivent même pas le salaire minimum légal. Ces paiements insuffisants sont dus au fait que la concurrence sur les prix entre les prestataires externalisés a eu pour conséquence que le financement n'a pas été suffisant pour couvrir des coûts tels que les temps de trajet. Il en résulte que les travailleurs.euses des services communautaires de soins de longue durée se déplacent sans être payé.e.s entre les visites, et que leur taux de rémunération horaire moyen est inférieur au minimum légal. La technologie contribue à ces mesures d'économie. Les TIC sont utilisées pour surveiller la main-d'œuvre, en contrôlant la durée des visites des travailleurs.euses à chaque bénéCes pratiques inacceptables dans les pays du Nord global constituent des leçons claires pour les militant.e.s des affiliés de l'ISP qui s'efforcent de faire en sorte que le statut et les conditions des travailleurs.euses des SLD soient formalisés et qu'ils soient soumis aux directives relatives au salaire minimum. Les travailleurs.euses de certains services de SLD peuvent également être invité.e.s à contribuer à l'achat d'uniformes, voire aux frais liés à la formation et aux qualifications professionnelles. L'érosion constante des conditions de travail dans les services de SLD pour adultes privatisés annonce la fin de la relation d'emploi standard, et le fait que tout ce qui est proposé au personnel est un taux de salaire de base et quelques engagements en matière d'intégration, de formation, de santé et de sécurité.

Insécurité

Le travail et l'emploi dans les systèmes de SLD privatisés peuvent également être précaires. L'incertitude en matière de financement peut découler de l'évolution des priorités gouvernementales et des restrictions budgétaires. L'austérité dans le renouvellement des financements à laquelle sont confrontés les prestataires privés et à but non lucratif entraîne des taux de contrats temporaires supérieurs à la moyenne dans de nombreux pays (par exemple en Écosse) ou rendent des groupes de travailleurs.euses particulièrement vulnérables à l'embauche sous des contrats précaires à des moments précis du cycle de financement (par exemple au Chili).

Près des deux tiers des pays de l'OCDE ont identifié la rétention des travailleurs.euses des SLD comme un grand défi politique.

Dans les pays de l'OCDE, l'emploi temporaire atypique est presque deux fois plus élevé chez les travailleurs.euses des SLD que dans le secteur de la santé. Des données européennes révèlent que les travailleurs.euses du secteur des SLD sont plus nombreux.euses à chercher un autre emploi que leurs collègues du secteur de la santé, en raison de l'insécurité et de leur insatisfaction professionnelles (OCDE, 2022).

L'individualisation ou la personnalisation des SLD ajoute d'autres dimensions à l'insécurité. Ces approches des soins intensifient les pressions du marché, car les bénéficiaires des services sont considérés comme des "clients" qui ont le choix, y compris dans la sélection des prestataires de services. Là encore, cela ajoute un élément d'insécurité dans la vie professionnelle des employé.e.s, car ils.elles peuvent être muté.e.s, voire perdre leur emploi, s'ils.elles ne correspondent pas exactement aux exigences des usager.e.s. Il existe des exemples de travailleurs.euses dont la sécurité de l'emploi est menacée dans des circonstances où les bénéficiaires de soins ont demandé un changement de prestataire s'il ne correspondait pas idéalement à leurs besoins.

Intensification du travail

L'intensification du travail se manifeste de plusieurs manières dans les SLD. L'absence de financement adéquat du temps de trajet et la tendance des travailleurs.euses à rester jusqu'à finir leurs tâches, dépassant ainsi les limites de temps prescrites, signifient qu'ils.elles effectuent un travail non rémunéré. Comme dans les cas australien, canadien et écossais, l'augmentation de la demande de services, associée au sous-financement et au manque de personnel, se combine pour intensifier le travail des employé.e.s. Les premières études sur les SLD montrent qu'en raison du manque de personnel, il était courant que le personnel travaille pendant les pauses et accomplissent des heures supplémentaires non rémunérées. Une autre pratique courante consistait à doubler les heures de travail en raison du manque de personnel et des absences. Là encore, ces sacrifices ou ces dons de main-d'œuvre non rémunérée ont été considérés comme faisant partie de l'élasticité infinie d'une main-d'œuvre majoritairement féminine en matière de soins. Ces sacrifices, consentis et considérés comme allant de soi, au nom du bénéficiaire des soins, et qualifié d'"altruisme obligatoire", sont à connotations sexistes, selon lesquelles les femmes sont davantage enclines à accepter un travail non rémunéré.

L'intensification du travail due à un taux élevé de rotation ou d'absence a également un coût en termes de qualité et de bien-être du personnel et des usager.e.s. Tout d'abord, des études ont révélé que les travailleurs.euses qui effectuent trop d'heures de travail peuvent souffrir d'épuisement professionnel et de stress, ce qui a un impact sur leur santé mentale et physique. Les absences peuvent alors se multiplier, ce qui accroît la pression sur des services déjà en sous-effectif. La santé physique peut également être menacée par les effets de l'intensification du travail et de la fatigue qui l'accompagne dans les services réputés difficiles où la perte de concentration peut conduire à des agressions physiques contre le personnel. Les emplois très exigeants et l'exposition à des facteurs de santé physique et mentale entraînent une faible satisfaction au travail et sont considérés comme l'une des principales causes des faibles taux de rétention de la main-d'œuvre dans le secteur des SLD (OCDE, 2022).

Manque de soutien, de formation et de développement des compétences

La supervision des travailleurs.euses est compromise dans ces environnements marchands. En raison de l’insuffisance des rémunérations, le temps à consacrer aux interactions directes et formelles en face à face (ou numériques) entre les travailleurs.euses de première ligne et leur superviseur/responsable hiérarchique est réduit. Une supervision régulière et adéquate est considérée comme l'un des éléments clés pour apporter aux travailleurs.euses le soutien dont ils.elles ont besoin pour exercer dans des environnements difficiles. Pourtant, les systèmes privatisés et la compression persistante des coûts n'offrent qu'un financement limité pour permettre aux travailleurs.euses et à leurs superviseurs de s’entretenir. Cette sous-évaluation de la supervision et les lacunes en matière de soutien qui en découlent se sont répétées en Australie. L'étude a montré que les organisations avaient moins de responsables hiérarchiques, ce qui signifiait que la marge de manœuvre augmentait pour ceux qui restaient, avec moins de temps à consacrer à la supervision. Dans l'ensemble, l'accès limité à la formation à la supervision signifie que de nombreux travailleurs.euses des systèmes de soins privatisés n'ont pas tous.tes les compétences nécessaires pour faire face aux situations dangereuses et aux urgences avec les clients.

La fragmentation du temps de travail

La répartition du temps de travail est un élément clé des efforts déployés par les bailleurs et les gestionnaires pour réduire les coûts de main-d'œuvre dans les SLD. Comme indiqué dans la section précédente, l'application des TIC peut être un outil permettant aux organisations de surveiller et de contrôler le temps de travail. En outre, dans les systèmes de soins commercialisés, la manière dont le temps est géré, par l'introduction de formes flexibles de contrats et la programmation des équipes, contribue à la réduction des coûts et à la dégradation du travail. Le travail à temps partiel est important dans la main-d'œuvre des SLD, puisqu'il est deux fois plus élevé que le taux moyen dans l'ensemble de l'économie. Par exemple, 45 % des travailleurs.euses en SLD dans les pays de l'OCDE travaillent à temps partiel. Dans l'UE, les travailleurs.euses des établissements de SLD effectuent des rotations, et des rapports indiquent qu'ils.elles ont l'impression de ne pas avoir leur mot à dire sur leur temps de travail et qu'on leur demande souvent d'effectuer des rotations au pied levé pendant les heures creuses (Eurofound, 2020). La tendance des gestionnaires des services publics à ne rémunérer les travailleurs.euses que pour le temps réellement passé à dispenser des soins a conduit à l'introduction de formes de contrats précaires. Ces pressions en faveur d'une plus grande flexibilité afin de réduire les coûts s'intensifient dans les approches individualisées et personnalisées de la prestation de soins. La personnalisation signifie que les préférences du "client" concernant le moment où les services doivent être fournis sont au centre du modèle de soins et jouent un rôle de plus en plus important dans l'organisation du temps de travail.

Les contrats de courte durée, à temps partiel, de remplacement ou de zéro heure peuvent proliférer dans ce type d'environnement marchand. Le recours croissant à ces formes de contrats pour répondre aux exigences de flexibilité et de réduction des coûts des bailleurs et des bénéficiaires de soins signifie que le taux de rémunération horaire pour lequel un.e travailleur.euse est embauché.e peut avoir un impact limité sur le fait qu'il.elle reçoive ou non un salaire décent lui permettant de vivre. C'est le nombre d'heures qui est crucial, et ces dispositions contractuelles peuvent rendre les travailleurs.euses "demandeurs.euses d'heures". Le travail à temps partiel est également lié au "manque d’heures". Une partie des travailleurs.euses en SLD dans l'UE (30 % en SLD non résidentiel, 20 % en SLD résidentiel) déclarent accepter des contrats à temps partiel parce qu'il n'y a pas de travail à temps plein (Eurofound, 2020).

L'introduction de nouvelles formes de travail sur plateforme dans le secteur des soins

L'organisation du travail de soins peut désormais se faire par le biais de plateformes numériques, où les utilisateurs.trices de services choisissent parmi une gamme de soignant.e.s indépendant.e.s et occasionnel.le.s. L'Australie est le pays qui a connu le plus récemment la croissance de ces formes de travailleurs.euses sociaux.ales occasionnel.le.s. L'application de cette technologie signifie que les plateformes numériques permettent aux employeurs de servir d'interface électronique entre les travailleurs.euses et les bénéficiaires des soins. Dans ces systèmes marchands, les employé.e.s sont confronté.e.s à des risques croissants en termes de coûts et d'horaires fragmentés. Le travail est individualisé par le déplacement des soins d'une agence à un domicile essentiellement privé, ce qui entraîne l'isolement des travailleurs.euses. Le revenu des travailleurs.euses occupant ces fonctions est compromis car les bailleurs de fonds ne financent pas suffisamment les forfaits de soins, ce qui signifie que les utilisateurs.trices des services ne peuvent pas payer les augmentations de salaire. Ces formes de travail reproduisent bon nombre des problèmes rencontrés par d'autres formes de travail précaire, à savoir les annulations de dernière minute ou les courtes périodes de travail avec de longs trajets qui ne sont pas rentables. L'organisation des horaires des travailleurs.euses se fait de plus en plus par le biais d'applications téléphoniques, ce qui peut se traduire par des changements aléatoires dans les schémas d'horaires, reflétant une évolution vers le travail à la demande, sur plateforme.

Travail des migrants

Pour comprendre les niveaux de vulnérabilité dont souffrent les différents groupes de la main-d'œuvre des soins, il faut s'intéresser à la situation de la main-d'œuvre migrante. Les soins fournis par les travailleurs.euses migrant.e.s comblent les lacunes des systèmes de SLD des pays riches. Là encore, les travailleurs.euses migrant.e.s du secteur des soins sont en grande majorité des femmes. La plupart des migrations ont lieu pour des raisons financières, ou en raison de mauvaises conditions de travail ou de l'impossibilité de trouver un emploi dans leur pays d'origine. Comme dans les études de cas de l'Inde et des Fidji, les migrant.e.s contribuent largement aux postes de travail rémunérés ou non dans les pays développés à revenus plus élevés afin de combler les pénuries nationales de main-d'œuvre causées par la sous-évaluation du travail de soins.

Les travailleurs.euses migrant.e.s sont particulièrement désavantagé.e.s. Il existe des risques d'abus et de traite des êtres humains ; également des défis pour les systèmes de SLD des pays d'origine en termes de création ou d'aggravation des pénuries de ces travailleurs.euses. Les pressions qui s'exercent sur les pays d'origine s'intensifieront à mesure que leurs propres populations commenceront à vieillir et à avoir besoin de services dans les décennies à venir. En plus des désavantages liés au genre, ils.elles sont confronté.e.s à une discrimination fondée sur la race, l'appartenance ethnique et la nationalité. Ils.Elles peuvent appartenir à une classe économiquement défavorisée et leur statut d'immigré.e peut les empêcher d'accéder à des droits spécifiques en matière de travail, de protection sociale et de statut dans le pays où ils.elles s'installent.

Les études de cas menées aux Fidji et en Inde révèlent que les pays dits d'origine sont également désavantagés dans ces "chaînes de valeur des soins". En particulier, bien que des pays comme l'Inde puissent bénéficier des envois de fonds des travailleurs.euses de SLD à leurs familles restées au pays, ces flux migratoires entraînent une pénurie de travailleurs.euses dans leur propre pays.

Conditions de travail inacceptables et mauvaise qualité des soins

Le sous-paiement des salaires et l'insécurité à laquelle sont confronté.e.s les travailleurs.euses sociaux.ales dans les systèmes privatisés contribuent à fausser l’économie, car de nombreux services souffrent alors d'une rotation chronique et d'une pénurie de main-d'œuvre, ce qui se répercute sur les budgets du secteur public par le biais de cycles perpétuels de recrutement, d’intégration et de formation. Dans les services personnalisés, les prix bas ou la mise en œuvre parallèle de mesures d'austérité ont un certain nombre d'implications sur la qualité des soins. Les travailleurs.euses ne sont souvent pas en mesure de fournir les types de services souhaités par les avocats des personnes en situation de handicap et ceux des droits humains dans le cadre des prestations monétaires.

Le lien entre les pénuries de personnel et la qualité des services est profond. Par exemple, lors des fermetures au plus fort de la pandémie de Covid-19, des ratios de personnel plus élevés dans les unités de soins résidentiels de SLD ont permis de réduire le nombre de décès. Cela s'explique par le fait que les travailleurs.euses devaient se déplacer moins souvent entre les bénéficiaires des soins, ce qui réduisait le risque d'infection. Toutefois, pendant la pandémie, les bas salaires et la nature des contrats de travail auraient contribué à l'augmentation des infections chez les personnes vulnérables. Au Royaume-Uni, par exemple, la transmission du virus s’est faite par des employé.e.s travaillant en grande partie pour des prestataires privés, faiblement rémunéré.e.s et en contrat précaire qui ne déclaraient pas leur infection ou qui étaient asymptomatiques. Cette non-déclaration était liée au fait que les travailleurs.euses n'avaient pas droit aux indemnités de congés-maladie. Au fil des ans, les économies réalisées par les prestataires privés pour générer des profits ont inclus la réduction des indemnités de congés-maladie. Dans de nombreux cas, les travailleurs.euses du secteur des soins peuvent également cumuler plusieurs emplois pour survivre. Lors de la pandémie de Covid-19, ces travailleurs.euses ont transmis à nouveau le virus à des personnes vulnérables parce qu'ils.elles se déplaçaient d'une institution ou d'une maison de soins à une autre.

Pandémie de Covid-19 et soins de longue durée

La crise sanitaire du Covid-19 a soulevé des questions importantes en matière de SLD dans le monde entier, car en raison d'un sous-financement historique, les systèmes nationaux étaient généralement mal préparés à répondre aux problèmes liés à la pandémie, tels que l'adoption de mesures rigoureuses de prévention et de contrôle des infections, l'absorption des coûts des EPI, la réponse aux besoins de formation du personnel et la gestion de l'absence des travailleurs.euses pour cause de maladie. La majorité des décès dus à la pandémie de Covid-19 ont été enregistrés chez les personnes âgées, 93 % d'entre elles étant âgées de 60/65 ans et plus et 58 % de 80/85 ans (OCDE, 2021a).

Si la vulnérabilité de la population âgée explique en partie ces décès, il est de plus en plus évident que c'est le lieu de soins qui y contribue le plus. Les établissements surpeuplés et à forte densité, avec occupation partagée, sont les caractéristiques communes des services résidentiels de SLD qui affichent des taux de mortalité plus élevés. À cela s'ajoutent des instruments de mauvaise qualité, puisque la même étude a révélé qu'au début de la pandémie, seule la moitié des pays avaient mis en place des directives pour la lutte contre les infections (OCDE, 2021a).

La pandémie a eu un impact significatif sur le régime de l'emploi. Les commentateurs.trices attribuent une part importante de la responsabilité du nombre élevé de décès parmi les personnes en SLD à la sous-évaluation des soins et de leur personnel. La faible priorité accordée aux SLD et à leur personnel a été illustrée par les retards dans la distribution des EPI et dans les tests de dépistage pour le personnel au début de la pandémie. Dans des pays comme la Colombie et la République tchèque, les travailleurs.euses ont dû contribuer à l'achat de leur propre EPI (OCDE, 2021).

Ratios de personnel

Les déficits de financement rencontrés par la plupart des systèmes de SLD se sont traduits par une insuffisance des ressources en personnel en première ligne. Certaines études ont montré que le risque de décès par le virus de la Covid-19 était plus élevé que la moyenne dans les établissements à but lucratif, ce qui est associé à des taux de personnel particulièrement bas et à une conception plus ancienne des établissements. En outre, la formation des travailleurs.euses à la détection et à l'isolement des cas de Covid a été lente à se mettre en place dans certains établissements de SLD.

Sans surprise, la quasi-totalité des pays de l'OCDE ont pris des mesures pour recruter des travailleurs.euses en SLD afin de remédier aux pénuries de personnel susmentionnées. Ils ont notamment alloué des fonds aux établissements de SLD pour couvrir les coûts de recrutement, en s'efforçant notamment de recruter des retraité.e.s, des chômeurs.euses ou des étudiant.e.s. En outre, des paiements ponctuels plus importants ont été effectués pour récompenser les travailleurs.euses soumis à de fortes pressions. Environ 40 % des pays de l'OCDE ont accordé des primes ponctuelles à leurs travailleurs.euses pour services exceptionnels. Un petit nombre de pays ont amélioré les salaires de façon permanente (Allemagne, République tchèque, Corée du Sud et France). D'autres mesures, liées au régime migratoire, comprenaient des prolongations temporaires de visas pour les travailleurs.euses étranger.e.s des établissements de SLD. Seules la Colombie, la Grèce et la Lettonie n'ont pris aucune mesure spécifique (OCDE, 2021a).

Absence pour cause de maladie

Le virus s'est notamment propagé par le biais des déplacements des travailleurs.euses. Dans les pays de l'OCDE, 45 % des travailleurs.euses en SLD sont à temps partiel et nombre d'entre eux.elles cumulent plusieurs emplois pour gagner décemment leur vie. Les travailleurs.euses des établissements de SLD étaient plus susceptibles de prendre plus de congés pour maladie que les autres travailleurs.euses ou d'enregistrer des taux de maladie plus élevés qu'avant la pandémie. En raison de l'absence de personnel, il était difficile de s'assurer que les services disposaient des ressources nécessaires ou des niveaux d'expertise requis. Les personnes restées sur le marché du travail ont vu leur charge de travail s'alourdir et les rapports entre le personnel et les bénéficiaires des soins se dégrader, ce qui a eu pour effet d'accroître les mouvements de travailleurs.euses et, partant, les infections liées aux SLD (OCDE, 2021a).

L'absence ou l'insuffisance d'indemnités de congés-maladie représente un coût financier important pour les salarié.e.s et a obligé de nombreux travailleurs.euses en SLD à travailler alors qu'ils.elles étaient infecté.e.s par le Covid-19 (OCDE, 2021a). En cas d'infection, la vulnérabilité est plus prononcée chez les travailleurs.euses sous contrat zéro heure. Leur statut contractuel implique qu'ils.elles ne reçoivent aucune forme de paiement pour cause de maladie. Au Royaume-Uni, même lorsque des indemnités de maladie sont prévues, de nombreux employé.e.s, en particulier dans les établissements privés de soins de longue durée, ne reçoivent que des indemnités de maladie statutaires (Statutory Sick Pay), l'une des indemnités de maladie les plus faibles des pays du Nord global. Ces questions ont retenu l'attention d'organisations (par exemple, l'OCDE) et de syndicats, ainsi que d'universitaires (Elsen, 2020) qui soulignent la nécessité de réinscrire la gestion des absences et les congés-maladie structurels rémunérés à l'ordre du jour des négociations syndicales et des politiques.

Suite à la pandémie de Covid-19, les affiliés de l'ISP ont diffusé la campagne de l'ISP en Asie du Sud pour les travailleurs.euses de la santé communautaire concernant l'amélioration de la santé et de l'équipement de protection individuelle. Dans le cadre de cette campagne, ils ont utilisé la Convention C149 de l'OIT sur le personnel infirmier, qui exige des États qui l'ont ratifiée qu'ils s'engagent à assurer l'éducation et la formation du personnel infirmier qualifié et à améliorer les conditions d'emploi et de travail, y compris les perspectives de carrière et la rémunération. Au niveau régional, l'ISP a encouragé la ratification de cette Convention de l'OIT et a élaboré des stratégies pour ses campagnes.

Les travailleurs.euses migrant.e.s étaient vulnérables lors de la pandémie de Covid-19, car les pays ont rapidement fermé leurs frontières, les isolant de leur famille (OMS, 2020). Toutefois, comme le montrent les études de cas individuelles, les régimes de SLD des pays du Nord global ont été affectés par la pandémie de Covid-19 et d'autres crises externes, et dépendent désormais davantage des travailleurs.euses migrant.e.s. Cela soulève des questions concernant les conditions de travail et les droits de ces travailleurs.euses.

À l'avenir, les questions relatives à la pénurie de personnel, aux conditions de travail, à la sensibilisation et au respect de la santé et de la sécurité au travail dans les SLD sont considérées comme des priorités. Au moins 30 pays ont élaboré des politiques visant à améliorer l'accès à l'EPI et 24 ont donné la priorité aux tests des résident.e.s et du personnel des maisons de soins. Des politiques visant à augmenter les effectifs existent dans au moins 26 pays de l'OCDE et prévoient des financements pour l'embauche de nouveaux employé.e.s et d'étudiant.e.s. L'accent est également mis sur l'hygiène, ce qui inclut la formation des travailleurs.euses (OCDE, 2021a).

Le virus du Covid-19 restant une menace active, les militant.e.s sur le lieu de travail et les affiliés de l'ISP doivent étudier la manière dont les organisations gèrent leurs absences pour cause de maladie et leur présence sur le lieu de travail. Il est nécessaire de se concentrer sur les politiques d'absence pour cause de maladie, car il a été observé que les approches récentes de gestion de l'absentéisme peuvent être coercitives et punitives, en se concentrant uniquement sur bien-fondé des absences. Une telle pratique sur le lieu de travail a conduit les travailleurs.euses à venir travailler tout en étant malades, un comportement inquiétant en période de crise sanitaire.

Faible taux de syndicalisation

L'existence et la représentativité des organisations syndicales représentant les travailleurs.euses du secteur des soins, ainsi que la couverture des mécanismes de dialogue social, y compris la négociation collective, jouent un rôle important non seulement dans la détermination du salaire et des conditions de travail du personnel dans le secteur des soins (OIT, 2018), mais aussi dans la campagne en faveur d'une meilleure prise en charge des SLD.

Dans les systèmes de soins marchands, l'influence des syndicats est limitée car l'emploi est externalisé dans des domaines où la négociation collective est peu présente par rapport à l'emploi direct dans le secteur public. Les prestataires de soins de longue durée des secteurs privé et bénévole sont traditionnellement peu syndiqués. Les pratiques antisyndicales découlent de la crainte que des activités telles que les grèves et d'autres formes d'action ne perturbent les services et la mission, ou la réalisation de bénéfices dans le cas des prestataires privés. En outre, il est difficile de mobiliser la main-d'œuvre des SLD dans les organisations privées et bénévoles pour qu'elle adhère à un syndicat. Cela s'explique par l'absence de tradition d'adhésion aux syndicats, et le nombre de représentant.e.s syndicaux.ales est donc assez faible par rapport à d'autres secteurs. Il n'y a pas de "porte d'usine" ou, dans le secteur public, d'école, d'hôpital ou de bureaux administratifs où l'on pourrait s'engager avec les travailleurs.euses de manière collective. Les travailleurs.euses des SLD exercent à temps partiel, avec des horaires fragmentés, parfois seul.e.s et au sein de la communauté ou au domicile des personnes, et sont donc difficiles à contacter. Ils.Elles n'ont qu'une tradition limitée de syndicalisation dans leurs rangs et ne savent donc pas ce que le mouvement peut leur offrir. Certains pensent également que les travailleurs.euses des SLD craignent les syndicats en raison de l'impact que les grèves et autres perturbations peuvent avoir sur les bénéficiaires des services.

Lorsque les syndicats sont présents chez les prestataires privés et à but non lucratif, l'effet de la chaîne d'approvisionnement et de la dépendance à l'égard des ressources rend les perspectives de négociations collectives efficaces très limitées. Plus précisément, les accords de financement inférieurs à l'inflation proposés par les gouvernements aux prestataires rendent très improbable la perspective d'une négociation collective pour que les salaires des prestataires externalisés soient alignés sur les conditions des travailleurs.euses du secteur public.

Cette limitation des négociations collectives s'explique par plusieurs raisons :

  • Premièrement, contrairement au secteur public, les négociations collectives peuvent généralement se dérouler au niveau de l'entreprise et ne sont pas soumises à des accords nationaux.

  • Deuxièmement, au niveau de l'entreprise, l'État agit en tant que "troisième employeur", déterminant le règlement financier qui façonne les accords salariaux, sans pour autant participer directement aux négociations. Dans le cadre de négociations décentralisées, les syndicats n'ont donc pas le pouvoir de demander des comptes ou de négocier avec les organismes publics qui tiennent les cordons de la bourse. En outre, cela signifie qu'il est difficile pour les syndicats de blâmer l'employeur immédiat et de mobiliser une action collective en cas de faibles augmentations salariales.

L'individualisation et la personnalisation ont également des implications pour les négociations collectives et l'organisation dans le secteur.

Les études de cas mettent en évidence la manière dont l’approche par la négociation collective peut offrir une protection aux travailleurs.euses de SLD difficiles à atteindre. En France et en Australie, par exemple, des conventions collectives sectorielles négociées par les syndicats couvrent les travailleurs.euses des SLD qui ne sont pas nécessairement syndiqué.e.s. En outre, l'Écosse poursuit actuellement une politique de négociation collective sectorielle dans ses SLD. Au Chili, les syndicats intègrent les droits des travailleurs.euses dans leur campagne plus large liée au changement constitutionnel et à la création d'un système de SLD fondé sur les droits.

Les études de cas soulignent l'importance cruciale pour les affiliés de l'ISP de disposer des ressources nécessaires pour poursuivre les objectifs susmentionnés, y compris l'information sur les marchés. Les pays du Nord global tels que la France, l'Australie et l'Ecosse ont la capacité d'assurer une plus grande transparence des activités des multinationales. Le cas de l'Inde souligne toutefois la nécessité pour les syndicats d'accéder à des ressources leur permettant d'obtenir des informations plus fondamentales, par exemple sur le type de prestataire et sur la manière dont ils organisent le travail et l'emploi dans les SLD. En outre, le cas indien montre que les syndicats des pays du Sud global ont besoin d'informations de base sur le marché du travail concernant la taille et la composition démographique de la main-d'œuvre des SLD, ainsi que le degré de formalité et d'informalité des relations d'emploi.

Le positionnement stratégique des syndicats est crucial, tout comme la défense permanente de la gestion des SLD par le secteur public. En France, l'exposition de l'exploitation des fonds publics par des prestataires à but lucratif tels qu'Orpea, qui se traduit par des conditions épouvantables pour les personnes âgées vulnérables, des formes de travail inacceptables pour les travailleurs.euses des SLD et un nombre insuffisant de travailleurs.euses préparé.e.s à exercer dans le secteur des SLD, a joué un rôle crucial dans ce plaidoyer. La CFDT a également plaidé de manière convaincante en faveur d'une plus grande prise de conscience communautaire et politique de la valeur socio-économique des soins fournis par les travailleurs.euses des SLD, en faisant valoir que le financement du secteur des SLD, notamment par le biais d'effectifs supplémentaires, de la professionnalisation et de la reconnaissance des compétences et d'une meilleure rémunération, devrait être considéré comme un investissement dans la prise en charge digne des personnes âgées dépendantes (CFDT 2019).

La crise sanitaire de la pandémie de Covid-19 a permis de tirer des enseignements qui peuvent se répercuter sur les campagnes de syndicalisation et les programmes de négociation dans le secteur des SLD. Il s'agit notamment de :

  • Un taux d'encadrement plus élevé est associé à une diminution des infections et des décès ;

  • La réduction des mouvements de personnel (grâce à des ratios plus élevés) réduit l'infection par le virus ;

  • Les pénuries de personnel ne peuvent être résolues que par un meilleur recrutement et une meilleure qualité de l'emploi, en particulier une augmentation des salaires et de meilleures conditions de travail.

  • Commencer à améliorer les rémunérations en consolidant les primes accordées au plus fort de la pandémie.

  • Elaborer des normes de sécurité et de formation adéquate du personnel, et garantir le contrôle et l'application de ces normes.

  • La santé mentale et le bien-être du personnel devraient être une priorité, y compris la formation des cadres au bien-être psychologique et physique.

  • Reconnaître l'incertitude qui pèse sur les travailleurs.euses souffrant d'une longue invalidité (OCDE, 2020 ; OCDE, 2021b). 


Principaux défis en matière de syndicalisation

Cliquez sur un thème ci-dessous pour explorer les défis auxquels sont confrontés les syndicats dans ce secteur.

Négociations collectives dans le secteur public

Plusieurs questions contextuelles et sectorielles plus larges rendront l'organisation des SLD difficile pour les syndicats dans les années à venir. En effet, depuis plusieurs décennies, les syndicats subissent des pressions quant à leur capacité à organiser et à protéger leurs membres. Parmi les facteurs qui ont influencé cette plus grande vulnérabilité, citons le contexte économique et politique et l'évolution du marché du travail. Les syndicats du secteur public sont traditionnellement considérés comme plus résistants en termes de maintien de leur position de négociation, de leurs effectifs, de leur couverture et de leur capacité d'organisation.

Néanmoins, les syndicats du secteur public sont confrontés à des problèmes dans l'organisation des SLD et la représentation des employé.e.s. Tout d'abord, ils n'ont pas été épargnés par les attaques qui ont conduit à une certaine diminution de leur influence et de leur force dans de nombreux pays. La crise financière mondiale est à l'origine de nombreuses politiques économiques néolibérales qui ont sapé la force des syndicats du secteur public au cours des dix dernières années. La crise financière mondiale et les politiques d'austérité qui en découlent constituent un point de convergence à partir duquel les gouvernements ont consolidé l'emprise de l'idéologie du libre marché sur la société et l'une de ses principales formes de résistance - les syndicats et la négociation collective. Une tendance commune aux États-nations a été d'identifier la crise financière mondiale comme une crise de la dette publique, imputant la responsabilité de la crise aux syndicats et à leurs membres (en particulier dans le secteur public).

Cette rhétorique a conduit à une série de réformes de la négociation collective dans le secteur public et du champ d’action syndical visant à renforcer les politiques d'austérité déflationnistes. Dans l'UE, par exemple, la couverture des négociations collectives, c'est-à-dire la proportion de salarié.e.s dont les conditions de travail sont déterminées par des négociations collectives, a diminué en raison des suppressions d'emplois et de diverses réformes.

En outre, les pays de l'UE ont subi des pressions pour modérer les revendications salariales et s'engager dans des formes de négociation de concessions, c'est-à-dire que les syndicats acceptent une baisse des termes et conditions, dans de nombreux cas sur une base temporaire, en échange de la sécurité de l'emploi. Les pressions susmentionnées se sont également manifestées au niveau des collectivités locales, d’où dépendent une grande partie des SLD, dans l'ensemble de l'UE. Les États-nations ont imposé de strictes mesures d'austérité à ce niveau de gouvernance.

En Amérique du Nord également, les attaques contre les syndicats ont suivi la crise financière mondiale, l'hostilité politique de longue date à l'égard du mouvement ayant pris de l'ampleur aux États-Unis et au Canada (un pays qui n'a pas connu les mêmes problèmes financiers que les États-Unis ou l'Union européenne). La crise financière mondiale a donné l'occasion aux conservateurs de prôner la discipline budgétaire, la réduction des effectifs et la privatisation des biens publics, tandis que les syndicats et leurs membres du secteur public étaient tenus pour responsables de la crise. Dans les deux pays, les pensions et les salaires ont été attaqués, et les syndicats ont dû faire face à des efforts au niveau de l'État ou de la province pour supprimer le droit de négocier dans des domaines spécifiques tels que les pensions et les prestations de santé, ainsi que pour limiter les augmentations de salaire. Ces attaques contre les syndicats et leurs membres ont également été principalement genrées, c'est-à-dire qu'elles ont touché des professions largement occupées par des femmes, y compris les soins aux personnes âgées.

Concurrence pour les ressources

Tout d'abord, même lorsque les syndicats sont traditionnellement les plus puissants et/ou qu'ils ont l'habitude de s'organiser dans le secteur public, leur portée réglementaire et donc leur capacité à influencer les travailleurs.euses des services publics dans le cadre des SLD sont plus difficiles. De nombreux pays externalisent également une part importante de leurs SLD à des organisations bénévoles et privées, où les syndicats ne sont pas aussi présents.

L'externalisation vers des prestataires privés et à but non lucratif, ainsi que l'affaiblissement du syndicalisme dans le secteur public, impliquent des choix difficiles pour les syndicats en termes d'allocation des ressources. Les syndicats du secteur public peuvent s'organiser entre les secteurs public, privé et à but non lucratif. Les syndicats voudront reconstruire et renforcer leurs lieux de travail traditionnels dans le secteur public, où les travailleurs.euses du secteur des SLD sont encore présent.e.s. Dans les systèmes de soins commercialisés, l'influence des syndicats est limitée, car les prestataires de soins des secteurs à but lucratif et non lucratif sont traditionnellement peu syndicalisés. Il y aura donc une concurrence pour les ressources au sein des syndicats dans l'ensemble du secteur, mais aussi avec d'autres domaines du secteur public.

L'antisyndicalisme dans les services externalisés

Les pratiques antisyndicales découlent de la crainte que des activités telles que les grèves et d'autres formes d'action ne perturbent les services et la mission, ou la réalisation de bénéfices dans le cas des prestataires privés. Dans le cas des entreprises de SLD du secteur privé, les travaux sur les prestataires privés syndicalisés sont limités, car peu d'entre eux reconnaissent les syndicats. Toutefois, lorsque les syndicats sont présents, ils doivent faire face à un certain nombre de difficultés. Dans certains cas, les marges bénéficiaires des prestataires sont faibles, ce qui rend extrêmement difficile la négociation des salaires. Dans d'autres, où le capital-investissement peut être présent, l'ingénierie financière complexe associée à ces formes de propriété rend également difficile la négociation en raison du manque de transparence du financement de ces entreprises.

Les organisations à but non lucratif posent des problèmes spécifiques. L'attachement à des valeurs et à une mission particulières, ainsi qu'aux droits de certains groupes de clients, peut souvent conduire à compromettre les droits des travailleurs.euses. Les syndicats sont perçus comme un obstacle à la flexibilité et aux formes d’abnégation que l'on attend des travailleurs.euses à but non lucratif pour fournir des services. En réponse à la résistance des syndicats, certains prestataires à but non lucratif sont connus pour afficher des attitudes antisyndicales similaires à celles des pires employeurs à but lucratif. Cela a conduit à des cas de suppression du droit de négociation.

Main d'œuvre migrante

L'augmentation du nombre de travailleurs.euses migrant.e.s dans le secteur des soins constitue une autre complication pour les syndicats du secteur. Ces travailleurs.euses sont parmi les plus vulnérables et plus difficiles à atteindre dans le secteur des SLD en raison de l'exploitation liée aux horaires de travail et à d'autres mauvaises conditions. En outre, les récent.e.s travailleurs.euses migrante.e.s peuvent arriver sur le lieu de travail avec une connaissance ou une expérience limitée des syndicats. Dans certains cas, leur expérience des syndicats peut être négative, comme cela a été le cas pour certains migrant.e.s d'Europe de l'Est où le collectivisme était associé aux anciens régimes communistes. La vulnérabilité des travailleurs.euses migrant.e.s les rend également plus difficiles à syndiquer, car ils.elles peuvent être réticent.e.s à l'idée d'être considéré.e.s comme des "fauteurs.euses de troubles" et peuvent n’avoir que des droits limités.

Insuffisance de pouvoir de négociation

Même lorsque les syndicats sont présents dans les entreprises à but lucratif et non lucratif, l'effet de la chaîne d'approvisionnement et de la dépendance à l'égard des ressources limite les perspectives d'une négociation collective efficace. Plus précisément, les financements inférieurs à l'inflation accordés par les gouvernements, comme c'est le cas dans les pays de l'OCDE que nous avons sélectionnés, réduisent les chances que les négociations collectives sur les salaires chez les prestataires externalisés puissent suivre l’évolution dans le secteur public. Cette limitation de la négociation collective s'explique par plusieurs raisons. Premièrement, contrairement au secteur public, les négociations collectives peuvent généralement se dérouler au niveau de l'entreprise et ne sont pas soumises à des accords nationaux. Deuxièmement, au niveau de l'entreprise, l'État agit en tant que "troisième employeur" en déterminant le règlement financier qui façonne les accords salariaux, tout en n'intervenant pas directement dans les négociations. Dans les accords de négociation décentralisés, les syndicats n'ont donc pas le pouvoir de demander des comptes ou de négocier avec l'organisme public qui tient les cordons de la bourse. En outre, cela signifie qu'il est difficile pour les syndicats de blâmer l'employeur immédiat et de mobiliser une action collective en cas de faibles augmentations de salaire. Même lorsque les syndicats sont présents, la combinaison de la dépendance à l'égard des ressources et du climat d'austérité signifie que les syndicats peuvent travailler dans un contexte de " négociation de concessions " quasi perpétuelle et, par conséquent, lutter pour augmenter les salaires des travailleurs.euses, comme cela a été le cas en Australie en termes de négociation d'entreprise dans le secteur des SLD.

Individualisation et personnalisation

L'individualisation et la personnalisation ont également des implications pour la négociation collective et l'organisation dans le secteur. Les recherches antérieures reconnaissent que les bénéficiaires de soins peuvent influencer la nature du travail et les processus de dialogue social dans les services publics à trois niveaux. Le premier est la co-conception, où l’usager.e fait part de ses besoins et contribue au développement d'un service. Le deuxième est la coproduction, qui permet à l'usager.e d'influencer la prestation opérationnelle des services. Enfin, la co-supervision permet à l'usager.e de demander des comptes aux responsables de la prestation de services (Bellemare, 2000). Le pouvoir et l'autorité des usager.e.s dans ces schémas individualisés ne sont toutefois pas exhaustifs, car ils dépendent en grande partie de la force et de l'influence relatives des autres acteurs du dialogue social – employé.e.s, syndicats et direction (Bellemare, 2000).

Implications pour l'influence et l'organisation des syndicats dans les SLD

L'existence et la représentativité des organisations syndicales des travailleurs.euses du secteur des soins, ainsi que la portée des mécanismes de dialogue social, y compris la négociation collective, jouent également un rôle important dans la détermination du salaire et des conditions de travail des travailleurs.euses du secteur des soins (OIT, 2018). Lydia Hayes (2017) expose huit raisons pour lesquelles la négociation collective est nécessaire dans le secteur des SLD.

Ces raisons sont les suivantes :

  • Parce que les SLD pour adultes sont un secteur d'activité

  • Le travail de soins est hautement qualifié et de plus en plus complexe

  • Les conditions de travail sont précaires

  • Des emplois de mauvaise qualité induisent des soins de mauvaise qualité

  • Les droits individuels (statutaires ou autres) ne suffisent pas à remédier à ces problèmes

  • Le personnel soignant est réduit au silence par la structure des marchés de soins

  • Le gouvernement doit améliorer la qualité de l'emploi dans le secteur des soins sociaux

  • La négociation collective permettrait de créer des emplois décents et d'améliorer la qualité des soins.

Que peuvent faire les syndicats ?

À la lumière des conclusions du rapport indépendant, y compris ses études de cas, nous recommandons d'axer la campagne sur les points suivants :

  • Faire campagne sur le principe selon lequel un travail décent est à la base de SLD de qualité.

  • Adopter les six principes énoncés dans le présent rapport pour faire campagne en faveur d'un travail décent et de SLD décents et de qualité.

  • Faire campagne pour que les principes de conditions de travail décentes soient intégrés dans le processus décisionnel des organismes publics responsables de l'achat et de la mise en service des SLD.

  • Soumettre tous les prestataires externes à une forme de négociation collective, dans la mesure du possible. La négociation collective au niveau sectoriel est préférable, mais il convient également d'accorder une attention particulière à la représentation et à l'expression sur le lieu de travail.

  • Évaluer les stratégies d'organisation actuelles dans le secteur des SLD afin de cibler efficacement les travailleurs.euses à recruter dans les secteurs public, privé et bénévole.

  • Plaider en faveur de ratios clients/personnel appropriés dans les établissements de SLD, en s'appuyant sur les enseignements tirés de la pandémie de Covid-19.

  • Faire campagne pour une plus grande transparence des transactions financières des sociétés multinationales afin de garantir que les fonds publics sont correctement investis dans les SLD.

  • Faire campagne pour un salaire décent, qui reconnaisse la sous-évaluation du travail d'assistance rémunéré en fonction du genre, la disparité entre les travailleurs.euses du secteur privé et public et les personnels bénévoles, l'érosion des parcours de carrière et des classifications et relativités salariales.

  • Faire campagne pour que le coût total des soins soit pris en charge et que les travailleurs.euses à domicile soient rémunéré.e.s pour le temps de trajet entre chaque bénéficiaire.

  • Améliorer les autres avantages sociaux non salariaux, en accordant une attention particulière à l'augmentation des congés payés, aux droits à pension et à la sécurité de l'emploi.

  • Réorganiser les horaires de travail du personnel pour garantir un temps de travail décent et mettre fin au sous-emploi.

  • Éviter les conflits entre le travail et la famille en s'attaquant aux problèmes de fragmentation des horaires.

  • Mettre fin à l'utilisation de formes de contrats qui exploitent les travailleurs.euses, comme les contrats "zéro heure" (tels ceux courants au Royaume-Uni).

  • Veiller à ce que les travailleurs.euses s'expriment et soient représenté.e.s lors de l'introduction de nouvelles technologies.

  • Mener une campagne visant à améliorer l'offre de SLD en construisant et en renforçant les systèmes de soins de santé actuels. Pour les pays du Sud global peu susceptibles de disposer d'un système intégré de SLD, cela signifie qu'il faut veiller à ce que les services de santé puissent offrir des services aux personnes âgées.

  • Recueillir des données précises sur la main-d'œuvre formelle et informelle dans les pays du Sud global.

  • Se concentrer sur la garantie des droits à l'emploi des travailleurs.euses informel.le.s dans les pays du Sud global, y compris le paiement d'un salaire correct plutôt que d'indemnités.

  • Mettre l'accent sur les droits des travailleurs.euses migrant.e.s dans les pays d'accueil et soutenir la création et le maintien d'une main-d'œuvre locale dans le domaine des soins.


Pour explorer notre recherche plus en détail, consultez le rapport complet ici (en anglais uniquement).