Le développement ne se résume pas à une simple croissance du PIB. Le niveau de développement d’un pays se mesure à la qualité de son éducation, de son système de soins de santé et à l’ensemble des activités sociales et humaines favorisées par les services publics.

Un développement durable ne pourra advenir que si les gouvernements du monde entier augmentent considérablement le financement public nécessaire pour relever ce défi mondial.

Nous devons éradiquer la pauvreté, lutter contre le changement climatique, garantir un travail décent ainsi qu'une éducation de qualité, réduire les inégalités et construire des sociétés pacifiques et inclusives pour toutes et tous. Ces défis d’ampleur nécessitent une réponse à la hauteur des enjeux de la part des gouvernements.

Les institutions financières régionales et mondiales sont responsables des décisions économiques, financières, commerciales et monétaires qui favorisent les privatisations et négligent l'impact social que leurs choix produisent. Une gouvernance multilatérale plus forte dans le cadre du système des Nations unies est l'alternative pour protéger l'intérêt de toutes et tous.

Un monde sans pauvreté et aux émissions de carbone réduites est à portée de main, mais il nécessite des efforts collectifs et surtout d’inclure toute la population. Alors que le rôle des syndicats et des travailleurs(euses) pour défendre leurs droits, protéger leurs intérêts et contribuer à des sociétés plus justes est légitime, il n’en est pas moins attaqué dans le monde entier. Les syndicalistes sont régulièrement victimes d'intimidations, de violences et parfois même de meurtres.

Le défi mondial du développement durable ne pourra se réaliser que grâce à une augmentation conséquente des financements publics des gouvernements du monde entier.

Si les gouvernements veulent sérieusement combattre la pauvreté et les inégalités, ils doivent mettre le travail décent et sa rémunération au centre de l'Agenda 2030. La tendance à la baisse de la part des salaires dans le PIB mondial doit être inversée. La pression à la baisse sur la fiscalité et les salaires ne permettra pas d'assurer un avenir durable. Des services publics intégrant la dimension de genre, une éducation publique gratuite et universellement accessible, des services sanitaires et sociaux, y compris pour les migrants et les réfugiés, sont indispensables à la lutte contre la pauvreté et les inégalités ainsi qu’à la création des conditions nécessaires à un développement économique et social durable.

Nous constatons le paradoxe d'un Agenda 2030 poussant à la mise en œuvre nationale des ODD, alors que le processus de FfD ne permet pas d'en aménager l'espace politique et fiscal. Une gouvernance forte reposant sur un processus démocratique participatif devrait prioritairement assurer la cohérence des politiques, des réglementations et de l’investissement public de manière transparente. Pour réaliser l'objectif de l'Agenda 2030, il conviendra dans un premier temps de résoudre la contradiction entre d’une part la nécessité d'une société inclusive fondée sur le droit et d’autre part un modèle économique axé sur le profit. Il faudra aussi se pencher sur l’interprétation souple des droits de l'homme qui s’oppose à celle contraignante du droit commercial.

Concernant la mise en œuvre des ODD, nous appelons à traiter les problèmes systémiques et à réformer le système d'imposition des sociétés en priorité, notamment par la création d'un organe inter-gouvernemental au sein des Nations unies en charge de lutter contre l'évasion fiscale, d'abolir les paradis fiscaux et de rétablir des systèmes d'imposition progressifs tout en envisageant l'adoption d'un impôt des sociétés uniforme comme mesure de transition.

Lectures conseillées

L'ISP, partenaire du groupe de réflexion sur l'Agenda 2030 pour le développement durable, avec le concours d'autres organisations et réseaux de la société civile, a produit le rapport annuel "Spotlight" évaluant la mise en œuvre de l'Agenda 2030 et les obstacles structurels à sa réalisation (le rapport est disponible en anglais et en espagnol).

L'investissement nécessaire en infrastructures d'ici 2030 qui permettraient la mise en œuvre des « Objectifs de développement durable (ODD) » est estimé à 90 000 milliards de dollars. L’ISP est profondément préoccupée par la privatisation croissante des services publics, notamment par le biais de partenariats public-privé (PPP). Ceux-ci ne constituent en aucune manière une voie rapide vers la réalisation des ODD, mais portent bien au contraire atteinte à la qualité, à l'équité ainsi qu'aux droits de l'homme, et entraînent très souvent des coûts supplémentaires à long terme. Les PPP ne sont pas pertinents pour des services essentiels et critiques - ils privatisent les profits et socialisent les risques. Nous suggérons l'organisation d’un bilan mondial des PPP, par l'intermédiaire de l'ECOSOC, afin d’évaluer s’ils remplissent de manière opportune les objectifs de leur mission.

La pression pour une plus grande implication du secteur privé dans la mise en œuvre du ODD 6, doit maintenant faire face aux preuves croissantes que la privatisation de l'eau et de l'assainissement a été préjudiciable pour la société en général et pour les plus vulnérables et les marginaux en particulier. Les entreprises ont une tendance naturelle à utiliser le pouvoir monopolistique pour générer des profits excessifs sans investir dans les infrastructures.

Etant chargé des solutions pour le financement et la mise en œuvre du ODD 6, les décideurs doivent considérer les centaines d'expériences de remunicipalisation de ces 15 dernières années qui apportent la preuve, non seulement des échecs du secteur privé, mais aussi que des solutions existent pour de meilleurs services publics. Le secteur de l’énergie est un exemple criant, où l’on voit trop souvent des producteurs d'électricité privés utiliser leurs contrats d'achat d'électricité juridiquement contraignants pour drainer l'argent des contribuables au profit de leurs actionnaires. Le modèle IPP-PPA s'avère être de ce point de vue une honte pour trop de communautés.

La financiarisation du secteur du logement est à la fois directement opposée à l'idée que le logement est un droit humain lié à la dignité personnelle, à la sécurité et à la capacité de s'épanouir dans les communautés et indéniablement un facteur majeur de la crise financière de 2008.

Les références répétées au concept de politique "fondée sur la preuve" tout au long du processus des ODD, doivent nous obliger à prendre en compte les nombreuses preuves émanant des communautés qui vont toutes dans le sens d’un rejet de la privatisation. Plutôt que de promouvoir des PPP qui ont échoué, le processus des ODD devrait s'intéresser aux partenariats public-public qui fleurissent un peu partout dans le monde.

En outre, les gouvernements devraient soutenir les cadres réglementaires et les politiques contraignant le secteur privé à contribuer à la réalisation des droits de l'homme et aux objectifs de l'Agenda 2030 définis au niveau national, conformément à l'intérêt public - en particulier lorsque des ressources publiques sont mobilisées. D'autres mesures importantes sont nécessaires : les gouvernements doivent garantir la transparence et la responsabilité des entreprises en matière d'investissements et créer les cadres réglementaires nécessaires pour que les entreprises puissent s'acquitter de leurs responsabilités en matière de "diligence raisonnable", comme le prescrivent les principes directeurs des Nations unies sur le commerce et les droits de l'homme.

Du côté des solutions, les travailleurs et les syndicats ont souligné le rôle clé du dialogue social en tant que moteur et instrument de gouvernance du développement durable. Le dialogue social permet une réappropriation locale de la transition et des besoins de la société, construit un consensus et une inclusion sociétale, facilite la mise en œuvre des politiques, cimente les mesures acceptées par l’ensemble des parties et renforce les processus démocratiques. Historiquement il a été au cœur des succès du développement, tout autant qu’il le sera demain. Son rôle devrait être reconnu et valorisé au sein du Forum politique de haut niveau pour le développement durable (FPHN).

Les clauses relatives au travail et à l'environnement dans les marchés publics ainsi que la transparence et la divulgation des marchés publics sont essentielles au développement urbain durable. Pour obtenir les financements publics nécessaires, les villes ont besoin de politiques coordonnées pour lutter contre la fraude fiscale, l'évasion fiscale et la corruption. La protection des espaces publics et des biens communs contre la privatisation a un effet direct et positif sur la démocratie et l'équité.

Il est essentiel d’ancrer fermement les ODD – ainsi que les efforts déployés pour soutenir leur réalisation par les institutions financières internationales (IFI) et les agences de l'ONU - dans le cadre des droits de l'homme, en réaffirmant la centralité de l'État en tant que garant des droits de l'homme. Les financements et l’orientation politique des IFI doivent permettre la marge de manœuvre politique nécessaire aux gouvernements pour pouvoir adopter des mesures réglementaires, fiscales et des lois d'application à même de faire progresser leurs programmes de développement fondés sur la démocratie et les droits de l'homme.

Les ONG ont déclaré au FPHN : « Nous observons avec inquiétude de nombreux points de déconnexion entre ce dont nous débattons lors de ces réunions et ce qui se passe à l'extérieur dans le monde. Parmi eux, le manque de cohérence entre les discussions des états membres ici dans la salle de l'ECOSOC et lors des sommets bilatéraux qui se tiennent à travers le monde, entre les dépenses militaires et le budget alloué au développement durable, entre le besoin manifeste de planchers de protection sociale universelle et ce qu'impose la politique du FMI. Le financement privé ne peut que compléter les ressources publiques nationales et internationales mais ne saura jamais s'y substituer. Par ailleurs, nous demandons au FMI d'arrêter de pousser à la « consolidation fiscale » dans les différents pays car les politiques d'austérité et les impositions régressives réduisent sérieusement leur capacité à financer la mise en œuvre des ODD. »